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cueilli, il est redevenu l'observateur fin et pénétrant des côtés pratiques de la vie qui entre dans le vif des mœurs de son temps, sondant les plaies et mettant à nu les faiblesses de l'organisation sociale par l'éloquence des faits et la logique des situations. Dans la pièce nouvelle, il s'agit toujours un peu, à la vérité, de la révision du code civil, mais la thèse s'efface pour laisser toute la place à la langue de feu que parle la passion et aux généreuses émotions du cœur. Ce n'est pas à dire qu'on ne puisse discuter la supposition sur laquelle repose la pièce; mais, ce point de départ une fois accepté, — et le spectateur n'a pas le temps d'y réfléchir, — les péripéties se développent d'une manière naturelle et pour ainsi dire spontanée jusqu'au dénoûment, provoquant tour à tour le rire et les larmes.

Voici, en quelques mots, le sujet de ce drame. Raymonde , la jeune femme du commandant de Montaiglin, avait été, avant son mariage, la victime d'un lâche séducteur; elle a caché à son mari l'existence d'une fille qu'elle fait élever chez des paysans et qu'elle aime tendrement. Son mari l'adore , et depuis deux ans elle cherche à le dédommager de sa supercherie par un dévoûment sans bornes, quand l'amant reparaît. Octave a surveillé de loin l'éducation de la jeune Adrienne, qui ne le connaît que sous le nom de Monsieur Alphonse; il est sur le point d'épouser une veuve riche, plus âgée que lui, ancienne servante d'auberge, dont il... escompte les bonnes grâces. Cependant il craint de lui avouer qu'il a un enfant ; il se souvient alors que le commandant a été l'ami intime de son père, et il imagine de lui confier sa fille. C'est là peut-être le côté faible de l'intrigue : le plan d'Octave est trop plein de dangers pour paraître habile et logique. Quoi qu'il en soit, le commandant, après avoir sermonné son jeune ami, accepte, et sa prompte décision fait taire les scrupules de Raymonde. La jeune fille n'est pas loin, Octave l'amène, elle se jette dans les bras de sa mère; elle est déjà prudente et discrète, elle saura cacher sa joie devant son père adoptif. D'ailleurs le commandant va réprendre la mer, il ne s'apercevra de rien. Il est déjà si charmé d' Adrienne qu'il dit à Octave : « Tu sais, si tu en as une autre comme ça, tu peux l'amener! » Par malheur, M""« Guichard est jalouse de son amant; elle l'a suivi, a vu Octave avec sa fille, et lui arrache l'aveu de son péché de jeunesse; elle finit par lui pardonner et lui offre d'adopter son enfant, qui n'a plus de mère. Octave le lui jure. Ce dernier ne sait quelles raisons lui donner pour refuser cette proposition; mais Raymonde ne veut plus se séparer de sa fille. Elle s'efforce de convaincre M. de Montaiglin qu'on ne peut confier Adrienne à une femme sans éducation ; elle s'échauffe à mesure qu'elle plaide sa cause, elle s'emporte contre Octave : tout à coup elle rencontre le regard de son mari, et elle comprend qu'elle s'est trahie. Brisée par la douleur, elle tombe à genoux. Le commandant, un instant