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Beaucoup moins net dans ses affirmations est le parti constitutionnel, qui s’est mis dernièrement à la discrétion d’une sorte de directoire ou de triumvirat, composé du maréchal Serrano, de l’amiral Topete et de M. Sagasta. Aux termes de ses dernières déclarations, il continuera, comme les radicaux, de prêter son concours au gouvernement, et il demeure fidèle aux principes de la constitution de 1869 ; mais il réserve la question de république ou de monarchie, sur laquelle il juge encore inopportun de se prononcer. Il est possible que les constitutionnels ajournent leurs décisions pour ne point trahir leurs désaccords. Les uns, paraît-il, persistent en dépit de tout à désirer une royauté étrangère, un roi X ou Y qu’on irait chercher cette fois en Portugal, peut-être en Prusse ; d’autres voient le salut de l’Espagne dans un stathoudérat ou dans l’omnipotence d’une épée ; d’autres encore se convertiraient volontiers à l’alphonsisme, si le fils d’Isabelle II était moins jeune, si on ne se défiait de ses conseillers et de son entourage, s’il n’était pas né Bourbon, si l’on n’avait sujet de craindre qu’il n’apporte sur le trône toutes les rancunes de sa famille, qui ne possède pas le don précieux de l’oubli. Au reste, si les constitutionnels ajournent leur choix, ils n’ont de parti-pris contre rien. Leur directoire a pour mission de surveiller les événemens et de leur demander conseil. Les alphonsistes au contraire estiment que toute enquête ou contre-enquête est superflue. Il appert, suivant eux, que le carlisme est la barbarie, que la république est l’anarchie, qu’il n’y a d’avenir sérieux pour l’ordre comme pour la liberté que dans le rétablissement de la monarchie parlementaire et historique. Toutefois ils ont, eux aussi, leurs mystères et leurs réticences. Sur quels principes convient-il d’asseoir cette restauration ? Ils ne le disent point. Les constitutionnels ont leur constitution, ils cherchent encore leur gouvernement. Les alphonsistes ont leur roi, il ne leur reste plus qu’à trouver une constitution.

La république et l’alphonsisme sont les deux champions qui se disputent l’Espagne. Nous avons dit quelles difficultés doit vaincre, la république ; une restauration a les siennes, que ses partisans ne méconnaissent point. Et d’abord comment se fera-t-elle ? Sera-ce par une insurrection militaire ? Plaise au ciel qu’ils aient raison, ceux qui affirment que les pronunciamientos sont devenus plus malaisés qu’autrefois ! et malheur au parti qui aurait le triste courage de déchaîner de nouveau cette peste sur l’Espagne ! Son histoire fait foi que ce que fonde l’épée périt par l’épée. D’ailleurs la monarchie constitutionnelle est une des formes du gouvernement libre. Aussitôt qu’elle s’appuie sur des prétoriens, elle n’est plus que la dictature déguisée, et un régime qui ment à son principe ne