Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/808

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Autriche à cette époque. La France était d’ailleurs engagée par les affaires d’Amérique dans une guerre contre l’Angleterre qui absorbait ses ressources.

On n’en voit pas moins la partie se lier fortement autour de Marie-Antoinette, car ce dissentiment entre l’impératrice et Joseph II ne les empêchait pas de se réunir dans l’espoir de déterminer, par l’influence de la reine, une intervention favorable du cabinet de Versailles. Marie-Thérèse répète bien au commencement qu’il ne faut pas compromettre sa fille, ni risquer de la rendre, par une indiscrète ingérence dans les affaires, « importune au roi, odieuse à la nation. » Il est évident que Marie-Thérèse comprend le péril; mais finalement, l’entreprise une fois engagée, elle ne laisse pas que d’être, elle aussi, pressante à sa manière, soit indirectement par de fortes expressions qu’elle sait bien qu’on mettra sous les yeux de sa fille, et qui feront appel à ses plus vifs sentimens, soit quand elle lui écrit à elle-même que « la rupture de l’alliance serait sa mort. » En lisant de telles paroles, raconte Mercy, la reine pâlissait ; toute troublée, elle demandait qu’on lui dictât ce qu’elle devrait dire au roi, et, après l’avoir appris par cœur, elle livrait son assaut. Elle y mettait plus d’ardeur encore peut-être quand c’était Joseph II qui lui-même insistait. Pleine de déférence et d’admiration pour son frère, elle se sentait encore plus animée à lui plaire et à le servir qu’elle ne l’était à l’égard de l’impératrice. Elle attaquait alors les ministres, les faisait venir avant le conseil, employait auprès d’eux les caresses ou les menaces. En même temps elle assiégeait le roi par de longs entretiens avec larmes. Les rapports de Mercy permettent de suivre pas à pas cette double obsession.

On est embarrassé toutefois, si l’on essaie de marquer précisément à quels résultats parvenaient de telles instances. Il est certain que, dès le commencement, le ministère s’était montré fort peu conciliant. La dépêche de Vergennes à Breteuil en date du 30 mars, que nous connaissons par les notes de Kaunitz, dit au vrai, dès ce début de la querelle, l’attitude du cabinet de Versailles : elle avait pour double objet de décliner à la fois la réclamation du casus fœderis et la garantie même du traité de Westphalie. C’était opposer aux espérances de l’Autriche une fin de non-recevoir décisive. On fit davantage encore; on travailla de Versailles à réconcilier les Turcs et les Russes, et ces derniers, redevenus libres, se joignirent à Frédéric II. Il y avait de quoi irriter Marie-Thérèse, Joseph II et Mercy. Marie-Thérèse dénonçait à sa fille ceux des agens diplomatiques français qui, dans les diverses cours de l’Allemagne, observaient exactement les instructions venues de Versailles. Joseph II, lui, dépité de son insuccès, écrivait à sa sœur : « Puisque vous ne