Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/822

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’aveu. J’avais le ton de la douceur, mais d’une douceur de pitié et d’affliction. La reine n’a relevé que le dernier article, et ne l’a relevé qu’en citant, comme bonne réputation, la seule Mme de Lamballe. J’ai prétendu que cette réputation ne durerait pas, et que celle de bêtise durerait, et irait en augmentant. Sa majesté est convenue du dernier point et m’en a cité de nouvelles preuves. Que faire et qu’espérer après des aveux comme ceux-là, sans désir ni dessein de changer! »


A côté des favorites, les favoris, c’est-à-dire pour la plupart ceux qui se recommandaient du nom de Choiseul ou qui pouvaient passer pour continuer son parti, devenu celui de la reine. À ce titre, Marie-Antoinette avait accueilli dans ce qu’elle appelait « sa société, » outre le duc de Guines, dont nous avons vu le succès éphémère, des hommes de mérite et d’âge très divers, le baron de Besenval, les ducs de Lauzun et de Coigny, et le comte Valentin Esterhazy. Besenval, né à Soleure, avait cinquante-quatre ans lorsque ses fonctions de lieutenant-colonel des Suisses, qui lui avaient déjà valu les bonnes grâces du comte d’Artois, le mirent pendant l’été de 1775 en position d’être connu de la reine. Elle crut pouvoir le traiter, dit Mme Campan, comme un brave Suisse, aimable, poli, spirituel, et que ses cheveux blancs lui faisaient voir comme un homme sans conséquence. Elle se laissa aller à lui faire des confidences plus qu’étranges, qu’il ne sut pas garder pour lui : on sait jusqu’à quelle scène ridicule Besenval poussa l’insolence. Les rapports de Mercy concordent avec les mémoires de Mme Campan sur la date de sa disgrâce. Mercy ne dit rien de la scène qui l’a amenée et du congé qui en a été le signal ; mais ce peut être que la reine ait cru devoir s’en taire auprès de lui, ou bien que lui-même ait jugé inutile de transmettre cette sorte d’explication à l’impératrice. Il n’y a nulle contradiction en tout cas entre les deux récits, qui au contraire se confirment mutuellement. Les mémoires qu’a laissés Besenval permettent de le juger lui-même : il s’est bien gardé de dire comment son audace a été reçue de la reine ; il s’est contenté de glisser à ce propos dans ses pages des insinuations et des réticences qui sont d’un cœur lâche et d’une âme déshonnête. — Pour le duc de Lauzun, ses mémoires aussi le font connaître. Il se vante et se pavane avec l’histoire de sa sotte plume de héron ; mais déjà Mme Campan a rétabli sur ce point la vérité. A l’entendre, un simple état de sa fortune communiqué au roi eût suffi à lui faire obtenir des facilités suffisantes pour le paiement de ses dettes; mais la reine, qu’il en avait priée, avait craint de se trahir en intervenant pour lui. Il voudrait du même coup poser, au détriment de sa charmante femme, pour le chevaleresque, le généreux et le délicat en affaires d’argent; mais les rapports de Mercy prouvent qu’il