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libre avec les oscillations continuelles des diverses fonctions du corps et de l’âme. Outre ces filets, qui vont du cœur dans le cerveau, il en est qui vont du cœur au cerveau et que M. Cyon nomme dépresseurs. Ces cordons ont pour office de prévenir le cerveau et par suite l’âme des changemens survenus dans le rhythme et la force des contractions cardiaques. Ainsi, grâce aux nerfs pneumo-gastriques et accélérateurs, le cœur est un organe où tous les états passionnels, avec leurs nuances les plus délicates, se réfléchissent exactement et immédiatement comme dans un miroir. D’autre part, grâce aux nerfs dépresseurs et à la loi physiologique qui nous fait reporter le siège de nos sensations dans l’organe qui les recueille, notre conscience connaît l’infinie diversité des oscillations et des variétés des battemens cardiaques consécutifs aux états passionnels. La mécanique des mouvemens du cœur dans les passions dépend de ces deux courans nerveux dirigés en sens inverses.

Tous les mouvemens agréables ou joyeux de l’âme excitent les nerfs accélérateurs du cœur et font battre cet organe très vite en diminuant l’intensité des contractions qu’il éprouve. Les expressions : le cœur palpite de joie, tressaille de joie, caractérisent à merveille cet effet des nerfs accélérateurs. La facilité avec laquelle le cœur se vide dans de telles circonstances donne lieu au sentiment de bien-être rendu par les mots de cœur léger. Au contraire tous les sentimens tristes ou affligeans agissent principalement sur les fibres ralentissantes des nerfs pneumogastriques. Les émotions de ce genre diminuent la vitesse des battemens du cœur, augmentent par suite la quantité de sang que cet organe pompe pendant la diastole, et il en résulte que les contractions destinées à chasser le sang dans les vaisseaux deviennent alors pénibles et longues. Ces contractions, accompagnées de douleur, provoquent tout un ensemble de sensations que la langue traduit par des expressions telles que celles-ci : le cœur oppressé, le cœur torturé. L’expression : avoir le cœur gros, rend avec une exactitude particulière la sensation de resserrement qu’on éprouve dans la région précordiale après de longues angoisses. Une nouvelle douloureuse annoncée d’une manière soudaine détermine souvent des contractions tumultueuses, irrégulières, dues à une paralysie des nerfs ralentisseurs, et il n’est pas rare de voir un arrêt complet du mouvement cardiaque et par suite une syncope succéder à cette excitation désordonnée. On a donc bien raison, dit à ce sujet M. Claude Bernard, quand il s’agit d’apprendre à quelqu’un une de ces nouvelles qui brisent le cœur, de ne la lui faire connaître qu’avec précaution et ménagement. L’intensité des effets des passions de l’âme sur le cœur dépend principalement du degré d’excitabilité des nerfs qui relient le cœur et le