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montagneux sont encore adonnés au fétichisme. Ils croient néanmoins en une autre vie. Ils pratiquent toutes les superstitions nègres et maures. Une des plus étranges croyances de ces tribus est la légende d’un enfant qui existe depuis la création du monde, qui ne boit ni ne mange, et reste toujours enfant. Des démons désignés sous le nom de wodsi occupent aussi une place importante dans leurs superstitions. Ils se font de l’âme humaine (kra ou kla) une idée assez originale. Le kla existe avant le corps et peut être transmis d’un corps à l’autre; il est en quelque sorte distinct de l’homme charnel, auquel il donne des avis, et peut en recevoir des hommages et des offrandes. De plus le kla constitue une dualité mâle et femelle, une association des deux principes du mal et du bien. On voit que ces sauvages africains ont trouvé tout seuls la théorie de Xavier de Maistre sur l’âme et la bête qui sont en nous, et qui se partagent ou plutôt se disputent sans cesse le gouvernement de nos actions.

Il est d’usage dans la contrée que, si un roi meurt sans avoir été tué sur le champ de bataille, son corps ne soit pas enterré dans la sépulture de famille. Le dernier souverain des Achantis, le feu roi Quahou-Duah, a eu la triste et misérable destinée de mourir dans son lit, c’est-à-dire sur sa natte : aussi son pieux descendant Kofi Kalkalli, le roi actuel, s’est-il longtemps préoccupé du moyen d’enlever cette flétrissure à la mémoire de son prédécesseur. Il croit y avoir réussi en plaçant les ossemens du pacifique défunt au milieu de ses troupes, en les faisant transporter dans une litière et en les conduisant partout où il y avait une mêlée sanglante. Dans une bataille qui eut lieu au commencement de l’année, les ossemens de Quahou-Duah, mal gardés sans doute, furent pris par les ennemis et portés comme trophées, à ce que supposent les Achantis, au château de Cape-Coast. Conformément à leurs croyances, le malheureux monarque est considéré comme prisonnier de guerre. Bien profondément dans le sein de la terre est un sombre pays où les rois nègres, richement habillés, couverts d’or, entourés de leurs nobles, servis par leurs esclaves, règnent comme ils ont régné sur terre; mais c’est un règne sans fin. Un trône d’or reste inoccupé, c’est celui de Quahou-Duah. Exilé loin de ses frères rois, le fantôme royal attend au bord de la mer, dans la forteresse de Cape-Coast, que son fils vienne le délivrer. Le correspondant d’un journal anglais, qui a eu vent de cette légende, conseille au gouverneur, pour ôter à ce fils trop dévoué à la mémoire de son père l’envie de venir à Cape-Coast, de lui envoyer les premiers ossemens venus.

Malheureusement les mœurs des Achantis ne le cèdent guère en férocité à celles des nègres du royaume voisin de Dahomey; les sa-