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forces entre eux et leur imposer la paix avec votre porte-voix, si la chose est possible, avec vos canons, si vous ne pouvez faire autrement. »

Quand les ambassadeurs écrivent sur ce ton aux amiraux, il ne faut pas s’étonner qu’à la première occasion « les canons partent tout seuls. » Les trois puissances étaient incontestablement d’accord pour arrêter en Grèce l’effusion du sang ; nous eussions néanmoins voulu obtenir ce résultat sans porter atteinte à la puissance naissante du vice-roi d’Egypte. Par une tendance contraire, le cabinet britannique eût volontiers dirigé de ce côté ses rigueurs. Après avoir poursuivi Cochrane jusqu’à Rhodes, la flotte égyptienne était rentrée dans Alexandrie le 25 juin 1827. Déjà le traité d’intervention se débattait à Londres ; ce ne fut cependant qu’à la fin du mois de juillet que l’amiral Codrington reçut par un courrier extraordinaire le premier avis de cette importante transaction. Le 8 août, il chargeait le capitaine de la corvette la Rose d’en aller donner communication à Méhémet-Ali. L’amiral de Rigny confiait la même mission au commandant de la frégate la Pomone. Ces deux messagers arrivèrent trop tard. Le 31 juillet, une première division avait mis à la voile ; le 5 août, le gros de la flotte ottomane cinglait vers les côtes de Caramanie. Elle comptait quatre-vingt-douze voiles, dont cinquante et un navires de guerre, et portait en Morée, avec d’immenses approvisionnemens, un renfort de 4,000 soldats réguliers.

Le 18 août, cette puissante flotte mouillait à Marmorice. Elle en repartait le 22, et poussait sa bordée jusqu’au cap Raz-Attin, point de la côte d’Afrique situé sur le méridien qui va passer entre Cerigo et l’extrémité occidentale de Candie. En prenant cette route, au lieu de s’obstiner à louvoyer sur la côte d’Asie, à l’exemple d’Ibrahim et de Khosrew, les nouveaux commandans de la flotte ottomane, Tahir-Pacha et Moharem-Bey, se donnaient de grandes chances d’échapper à la surveillance des escadres alliées. Il ne paraît pas d’ailleurs que les amiraux anglais et français aient mis un très vif empressement à se porter sur le passage des vaisseaux turcs. Le 11 août, l’amiral de Rigny informait son collègue que la frégate l’Armide, en croisière près du cap Matapan, avait rencontré le 5, à dix milles environ dans l’ouest de Cerigo, la frégate l’Hellas, emmenant à la remorque vers Poros une corvette tunisienne capturée par Cochrane. Le lendemain 6 août, c’était au milieu d’une flotte turque composée de seize voiles que l’Armide tombait inopinément. D’où venait cette escadre que le capitaine Hugon avait vue se diriger du sud vers Navarin ? N’était-ce pas l’avant-garde de la grande flotte attendue d’Alexandrie ? À cette nouvelle, sir Edward Codrington se décidait enfin à partir de Smyrne et à se rapprocher de la Morée.