Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laume IV, on devine quels sentimens lui inspira la chute du cabinet whig tout entier. C’est bien cette fois un changement de principes dans le gouvernement. Voilà le moment ou jamais, pour le roi de Prusse, de reconnaître la vieille Angleterre. Le comte Derby est le chef des tories. Ajoutez à cela que les passions nationales de l’Angleterre ne se sont pas encore apaisées. Toute une partie de la presse continue à jeter des cris d’alarme. C’est même afin de répondre à ces émotions du pays que le nouveau ministère a pris à son compte et semble développer avec plus de zèle le bill proposé par ses devanciers pour la réorganisation de la milice. Voilà des symptômes favorables. Les événemens prévus qui s’accomplissent en France vont fournir au roi de Prusse une occasion toute naturelle de renouveler ses instances auprès du cabinet de Saint-James. Louis-Napoléon a fait un voyage triomphal dans le centre et le midi de la France. Les départemens vont au-devant de l’empire. Le 4 novembre, dans l’assemblée du sénat, présidé par le prince Jérôme, dix sénateurs ont déposé un projet de sénatus-consulte qui rétablit le gouvernement impérial. Le 7, ce sénatus-consulte est adopté à l’unanimité, moins une voix. C’est le 21 et le 22 novembre que le peuple français, convoqué dans ses comices, acceptera ou rejettera le plébiscite qui consacre le régime nouveau. Les grandes puissances laisseront-elles s’accomplir un tel événement sans protester ? Si elles ne protestent pas, négligeront-elles du moins de prendre des précautions, d’exiger des garanties ?

Les lettres de Frédéric-Guillaume IV à M. de Bunsen pendant le mois de novembre 1852 discutent toutes ces questions avec une passion inouie. Au moindre signe d’assentiment qui lui arrive d’Angleterre, il est transporté de joie. Il voit déjà les représentans des grandes puissances se réunir à Londres en congrès pour opposer une quadruple alliance aux projets de bouleversement général qu’ils prêtent au futur empereur. « Jusqu’à présent, dit-il, quand j’adressais mes exhortations aux chefs des grands états, on n’y faisait pas plus attention qu’aux jappemens d’un roquet[1]. Maintenant, c’est l’Angleterre qui vient à moi. Je ne compte pas sur l’Autriche, mais je compte sur la Russie, et j’ai le ferme espoir que la légitimité l’emportera malgré toutes les erreurs qui se dressent pour la détruire. » Cependant il s’aperçoit bientôt que les puissances ne sont pas du tout disposées à protester, pas même au sujet de ce chiffre III que le rapport de M. Troplong a proposé de joindre au nom de Napoléon, et qui a été voté par le sénat. Les cabinets européens veulent oublier que Napoléon II n’a jamais régné, et que la

  1. « Bisher habe man alle ähulichen Anmahuungen von seiner Seite wie das Gebell eines Hündchens überhört. »