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quadruple entente, j’avais déjà donné l’ordre de glisser sur cette reconnaissance du chiffre. Oui, si on se met d’accord là-dessus à Londres, je n’y vois pas grand mal. Il serait plus digne cependant, il serait plus convenable pour nous quatre de verser au personnage, en toute fraternité, un vin qui ne soit pas trouble. Après tout, il y a dans l’histoire d’Angleterre un exemple qui peut être déployé ici comme une bannière de paix : les rois d’Angleterre, depuis Édouard III jusqu’à George III, ont porté le titre de kings of France, sans que les deux pays pendant longtemps aient cessé de vivre en paix. Or qu’est-ce que le chiffre III auprès d’un titre et des prétentions qu’il recèle ? Maintenant, cher Bunsen, travaillez de toute l’énergie de votre action et de votre parole à établir pour notre part l’entente commune que je réclame et de laquelle dépendent, sans phrase, les destinées de l’Europe, J’ai confiance que Dieu bénira nos loyaux efforts. Qu’il vous bénisse, qu’il bénisse tout ce que vous ferez, chaque ligne, chaque mot, chaque pas. Vale.

« Frédéric-Guillaume. »

« P.-S. — Le ministre. M. de Manteuffel, a pris connaissance de cette lettre. Il est tout à fait d’accord avec moi. »

On peut être assuré que M. de Bunsen s’acquitta consciencieusement de sa tâche. Transmettre des paroles de haine, envenimer les passions, tout cela, quand il s’agissait de la France, lui semblait une œuvre glorieuse et méritoire. Fidèle aux instructions de son maître, il se serait employé avec bonheur à nous faire du mal en tout temps et de toute manière, quel que fût notre gouvernement. Il a dû s’y appliquer plus volontiers que jamais, puisqu’il s’agissait d’un Napoléon. Il était de ceux qui n’avaient pu oublier 1806, et qui, même après 1815, malgré tant de généreux efforts pour dissiper les vieilles haines, accueillis chez nous à bras ouverts, appréciés, honorés de tous, avaient conservé sous le masque d’une bienveillance menteuse des ressentimens implacables. Il paraît cependant qu’il ne réussissait pas à son gré. Les violences de Frédéric-Guillaume IV ne trouvaient pas d’écho dans les hautes sphères politiques de Londres. On souriait de ses terreurs. Volontiers on aurait rangé ses lettres parmi ces pamphlets quotidiens dont lord John Russell parlait avec mépris. On voit en effet que le roi s’impatiente. Il presse son ambassadeur ; il veut une solution prompte, et si on ne trouve pas le modus faciendi, c’est lui-même qui le fournira :

« 20 novembre 1852.

« La seule chose importante, la seule juste, la seule décisive pour l’avenir de l’Europe, c’est l’entente des quatre puissances ; il faut, et ce sera la conséquence principale de cette entente, il faut que Louis Bonaparte sente le poids de cette formidable réunion de forces, il faut qu’il