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pouvoir. La libération n’est devenue définitive qu’aux premiers jours de septembre, mais elle était préparée et assurée avant le 24 mai. Oui, c’est l’année de la libération du territoire, et sous ce rapport l’œuvre de dévoûment qui s’imposait au patriotisme de tous a été complète. Ce succès a été le prix des efforts collectifs de M. Thiers, de l’assemblée et du pays lui-même. La France retrouvait ce jour-là son indépendance, la liberté de son action extérieure. Au premier abord, il semblerait qu’un événement de ce genre dût exercer une influence calmante, salutaire sur tout le monde, et que les partis, également frappés, également éclairés aussi, dussent se piquer d’honneur, montrer une modération plus attentive à mesure qu’on approchait du dénoûment, d’autant plus que, si le deuil finissait pour les provinces occupées, il ne finissait pas pour les provinces que nous ne retrouvions plus. Malheureusement il n’en a rien été, et si c’est l’année de la libération du territoire, c’est aussi l’année des élections de Paris aux derniers jours d’avril, de la chute de M. Thiers au 24 mai, des tentatives de restauration monarchique, de toutes ces violentes oscillations de partis qui, à travers une série de fautes des uns et des autres, ont fini par conduire à une sorte d’équilibre dans l’impuissance. Voilà le résultat. Tout découle en réalité de cet enchevêtrement de complications qui pendant quelques mois ont fait passer le pays par toutes les émotions, par toutes les crises intimes, sans le conduire, jusqu’ici du moins, à une situation fixe et définitive.

Ce sont les élections de Paris et de Lyon, au printemps de 1873, qui ont fait le 24 mai ; c’est le 24 mai qui a fait la situation actuelle avec ses caractères essentiels, avec ses incertitudes et ses faiblesses à peine voilées par la récente garantie de la septennalité. Cette révolution parlementaire du 24 mai, accomplie d’un tour de main dans une nuit, facilement acceptée à la faveur d’un nom honoré du pays, cette révolution avait pour objet, disait-on, d’enrayer le mouvement qu’on accusait M. Thiers de laisser se précipiter vers le radicalisme, de redresser la direction des affaires, d’assurer la prépondérance aux idées et aux intérêts conservateurs représentés par la majorité. C’était le programme ostensible. Soit, cela devait être habile, et c’était dans tous les cas possible, puisqu’on a réussi. La vérité est que ce qu’on appelait une politique n’était peut-être que l’absence de toute politique, qu’en s’enfermant dans les conditions où l’on se plaçait on se réduisait à vivre d’expédiens, de combinaisons, d’industrie parlementaire, pour maintenir une majorité en apparence compacte, en réalité profondément incohérente. Ce qui a manqué justement, c’est cette politique simplement conservatrice, ajournant les questions de république et de monarchie, maintenant ce qui existait, assurant au pays l’ordre, la paix, sous un régime impartial et protecteur. Cette netteté de politique, elle a manqué surtout en présence de ces tentatives de restauration monarchique qui