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barrasser ces relations naturelles. Il est vrai que M. Du Temple, avec son zèle bruyant de cléricalisme, n’a pas de succès jusqu’ici ; il est réduit à se plaindre amèrement de ses amis, qui ne le soutiennent pas, de l’assemblée, qui ajourne son interpellation d’abord après le budget, puis après la discussion des impôts nouveaux, puis après la loi des maires, et qui sait même si après tout cela on n’oubliera pas le fougueux interpellateur pour s’en aller en congé ? N’importe, M. Du Temple, en homme que rien ne trouble, monte périodiquement sur la brèche, c’est-à-dire à la tribune, pour rappeler qu’il a un discours à faire. Le malheur est qu’à côté de cet intrépide champion de l’église et du roi il y a les habiles qui chuchotent dans les couloirs avec des airs de mystère, qui vous confient tout bas que décidément les relations avec l’Italie sont mauvaises, que les troupes italiennes se massent sur la frontière. Ceux-là, et les importans s’en mêlent quelquefois, font moins de bruit que M. Du Temple, et ils font plus de mal par cette politique de faux bruits. Tout cela n’arriverait pas, si le gouvernement, qui est le premier à en souffrir, qui est le premier à sentir le prix, la nécessité de relations cordiales avec l’Italie, ne prêtait pas aux fausses interprétations par des ambiguïtés de conduite qui ressemblent fort à des ménagemens mal entendus pour des amis plus dangereux que des ennemis.

On parle toujours de l’ordre, et voilà des évêques qui, dépassant les limites de leur pouvoir sacerdotal, sans s’inquiéter du retentissement que peut avoir leur parole, sans mesurer leurs expressions, soulèvent les questions les plus périlleuses, font des mandemens tout politiques de nature à troubler l’action extérieure de la France ! De temps à autre, ces manifestations trouvent un écho plus ou moins autorisé dans l’assemblée, on tient une interpellation suspendue sur nos relations, et l’on veut qu’il n’y ait pas des difficultés, des embarras intimes, des malaises, qui ne semblent s’apaiser un instant que pour renaître bientôt !

Non, tout cela n’arriverait pas, si le gouvernement coupait court aux manifestations, aux chuchotemens, à la propagande des mauvais bruits par la netteté de son attitude. On n’en serait pas sans cesse à chercher où l’on va, ce qu’on veut, si le ministre rappelait aux prélats trop passionnés qu’ils n’ont aucune mission pour déclarer la guerre aux puissances étrangères, qu’ils doivent respecter les malheurs du pays, — si, après avoir nommé le marquis de Noailles ministre auprès du roi Victor-Emmanuel, il n’avait l’air de retarder son voyage à Rome, si, au lieu d’accepter des interpellations comme celles de M. Du Temple, il faisait sentir le danger de discussions sans issue et sans aucune espèce d’opportunité. On ne s’aperçoit pas qu’on aboutit ainsi à la confusion, qu’on finit même par faire souffrir notre dignité nationale de toutes ces apparences de tergiversations ou de velléités impuissantes. M. le duc Decazes, reprenant un mot prononcé autrefois par la Russie après la guerre de Crimée, disait récemment dans une circulaire diplomatique que la poli-