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la chaleur promet d’être accablante, et nous avons un rude programme à remplir. C’est alors que se déroule devant nos yeux éblouis la série des magnificences de Kioto. Comment conduire le lecteur dans chacun de ces temples, qui sont des villes, ou plutôt des nécropoles ? Essayons d’en donner une idée générale.

Kioto est bâti dans une plaine, entouré d’une ceinture ronde et complète de collines peu élevées, qui ne s’ouvrent au sud et au nord que pour laisser passer le Kamogawa, ruisseau large comme la Bièvre, qui coule dans un lit de galets plus large que la Seine à Paris. Si on se place à l’orifice sud, on voit s’élever à l’est la série des hauteurs de Higashiyama, à l’ouest celle de Nishiyama. Le Kamogawa coule en décrivant une courbe convexe au pied de l’Higashiyama, tandis que son affluent, le Katarugawa, décrit en sens opposé une autre courbe au pied du Nishiyama, de sorte que la ville est enfermée dans la circonférence formée par ces deux rivières et par le cercle de collines concentriques. Ce sont les collines de l’ouest que nous visitâmes d’abord. C’est là que nous vîmes Giou, célèbre par son antiquité, — Chioin, que ses proportions colossales ont fait surnommer le Saint-Pierre du Japon, — Nanjienji, dont le jardin fait oublier les chapelles, — Niakvoji, célèbre par ses érables séculaires, — Kurodani, avec son cimetière plein de statues et sa pagode élégante d’où l’on domine toute la cité, — Yeikando, perdu dans les bois, où l’on remarque de belles vasques de bronze, — Shiniodo avec ses bas-reliefs, — Yoshida, juché comme un belvédère, — autant de merveilles de goût, de simplicité, qui font impression par leur âge, leur encadrement et d’heureuses proportions. L’âge moyen de ces temples est le xiie siècle, époque où les premiers shiogouns surent utiliser les ressources jusque-là languissantes du pays. Aujourd’hui ils sont solitaires. Quelques bonzes restent encore là pour les desservir et les entretenir, mais c’est tout : les fidèles ne s’y pressent plus en foule comme jadis, et cette solitude même ne contribue pas peu à les poétiser aux yeux du voyageur. Ginkakudji (le pavillon d’argent) était une petite maison de plaisance d’un mikado du xve siècle, toute garnie d’argent ; aujourd’hui l’argent a disparu.

Nous voici au Gosho, l’ancien palais du mikado. Chose remarquable, le Gosho est entouré de simples murailles, comme tous les yaskis, un peu plus hautes seulement, et non pas ceint de fossés comme le siro taïcounal ou le moindre castel de province. On peut y enfermer un monarque comme dans une prison, mais il ne peut s’y défendre comme dans un château-fort. Il y a plusieurs enceintes remplies de petits yaskis, jadis habités par les kugés (officiers) ; ils sont aujourd’hui déserts. Les portes du palais sont des merveilles d’ornementation ; elles ont à Kioto cette forme particulière qui rap-