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L’EMPIRE DES TSARS


ET LES RUSSES


IV.

L’HISTOIRE ET LES ÉLÉMENS DE LA CIVILISATION.

L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE RUSSIE[1].


Après avoir étudié le sol de la Russie et les races d’où est sortie la nation russe, nous voudrions chercher quels élémens de civilisation lui ont été apportés par l’histoire, comment les siècles ont confirmé ou corrigé les influences de la race et du climat, quels traits ils ont donnés au caractère du peuple, quelles bases à sa culture et à ses institutions. « On sait suffisamment l’histoire des temps barbares quand on sait qu’ils ont été barbares, » dit, à propos de la Russie avant Pierre le Grand, un des philosophes du xviiie siècle[2]. Les Russes eux-mêmes, selon le point de vue ou la convenance du moment, se vantent tour à tour d’avoir un passé ou de n’en avoir point. Leur existence nationale a été plusieurs fois brisée d’une manière si brusque et coupée en phases tellement opposées que l’une et l’autre prétention se peuvent justifier. Le peuple russe a subi son histoire plutôt qu’il ne se l’est faite ; au lieu d’être son œuvre personnelle, comme dans les pays de l’Occident, elle a été plus passive qu’active : ce sont les événemens qui la lui ont imposée au lieu de la laisser sortir du libre développement de son génie national. À cet égard, l’histoire de la Russie ressemble moins à celle des nations

  1. Voyez la Revue des 15 août, 15 septembre et 15 octobre 1873.
  2. Condillac, Histoire moderne, t. VI.