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Astor, qui, venu d’Allemagne au commencement de ce siècle, ayant à peine quelques francs en poche, entreprit bravement le commerce des fourrures dans le nord et l’ouest, et laissa à son fils en mourant une fortune qu’on évalue à plus de 100 millions de francs, — ou bien encore l’Écossais Bennett, pauvre homme de lettres à son début, et plus tard vingt fois millionnaire, fondateur du New-York Herald, ce rival du Times de Londres, et dont un des rédacteurs allait récemment découvrir Livingstone, — ou enfin l’Irlandais Stewart, qui commença par être maître d’école, se fit ensuite marchand de nouveautés, et possède aujourd’hui les plus vastes magasins de l’Amérique. Il est imposé sur une somme d’environ 15 millions de francs chaque année à la taxe sur le revenu. Ce sont là les bénéfices qu’il déclare, c’est la liste civile d’un roi, et il offrit d’abandonner cette somme pendant quatre ans au trésor fédéral, alors que le général Grant, pensant avec raison que celui qui gère bien sa fortune doit bien gérer celle de l’état, voulut le nommer ministre des finances en 1869. Le congrès opposa au président nous ne savons quel ancien acte constitutionnel oublié qui défend à un citoyen d’être à la fois attaché à une industrie privée et à une administration nationale, — sur quoi le marchand de nouveautés fit généreusement l’offre qu’on vient de dire, mais qui ne fut pas acceptée.

En arrivant aux États-Unis, beaucoup d’immigrans se font fermiers, c’est-à-dire achètent une terre et la cultivent, ou défrichent le sol vierge que chaque Américain, en vertu des lois dites de preemption et de homestead, a le droit d’occuper avec sa famille. Or chaque immigrant est un Américain, car la loi de naturalisation suppose qu’il a l’intention de le devenir, et l’admet à quelques-uns des droits du citoyen sur la simple déclaration qu’il veut être naturalisé. La loi de préemption donne au colon le droit d’acheter du gouvernement la terre sur laquelle il veut s’établir, et ce au prix originel fixé pour les terres publiques, 1 ou 2 dollars l’acre, environ les quatre dixièmes de 1 hectare. La loi de homestead (mot à mot du foyer) lui donne le droit de propriété sur la terre qu’il cultive, pourvu qu’il la cultive pendant cinq années, et remplisse quelques formalités administratives dont le prix est peu élevé. Pour réclamer le bénéfice de cette loi, il faut être citoyen américain ou avoir déclaré l’intention de le devenir. Cela étant, chaque membre majeur de la famille du colon peut occuper un quart de section des terres publiques. La section contient 640 acres ; le quart de section est donc de 160 acres ou 64 hectares : c’est le lot afférent à chacun des membres de la famille du fermier. En fixant ce lot sur le plan déposé au bureau du cadastre de la commune, le colon paie 5 dollars (25 francs) comme droit d’enregistrement ; de plus il doit dans