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l’année clore le terrain et y bâtir une cabane avec deux ouvertures au moins, une porte et une fenêtre. C’est ainsi qu’il prend iégalemenl possession du sol, faute de quoi il peut être dépossédé par le squatter ou le jumper, qui, ne voyant pas sur le terrain les signes réels de la possession, peuvent à leur tour envahir brutalement cette partie du sol.

Les lois qui règlent la propriété primitive aux États-Unis sont, on le voit, libérales à l’extrême, et d’une application des plus rapides, pour ainsi dire instantanée. Elles nous expliquent en partie les succès obtenus par les Américains comme colons dans tout l’extrême ouest. Quand doterons-nous l’Algérie de règles aussi libérales ? Nous y avons appelé les Alsaciens-Lorrains à grand bruit, et nous en avons déjà éloigné la plupart à la suite de toutes les mesures longues, minutieuses, vexatoires, de nos bureaux africains, qui semblent n’avoir en vue que de mécontenter, de repousser l’immigrant. En Amérique au contraire, on va au-devant de lui ; nous savons avec quel empressement on l’accueille, et l’administration, au lieu de l’indisposer, lui trace la voie à suivre. Toutes les années, le bureau des statistiques à Washington publie en plusieurs langues (anglais, allemand, français) un rapport spécial sur l’immigration, accompagné de renseignemens de tout genre, et répand ces documens à pleines mains, gratuitement, partout où on les demande. Ceux qui ont visité l’exposition universelle de 1867 à Paris se rappellent peut-être encore avec quel luxe ces sortes de publications étaient faites. On les donnait reliées, accompagnées de belles cartes géographiques, et qui en voulait en recevait plusieurs exemplaires. Là sont indiqués pour tous les états et territoires non-seulement la superficie, la population, les usines et manufactures, mais encore les prix de vente et de fermage des terres, les principales productions du sol, les moyens de communication avec les marchés, le prix du bétail, les classes d’ouvriers les plus demandées. À ces indications sont annexées des tables donnant le prix moyen des salaires pour les ouvriers des fabriques et des fermes, le coût des provisions, des étoffes, des loyers dans les différens centres des États-Unis, et tout cela est dressé annuellement, officiellement, et dans chaque état et territoire par des commissaires spéciaux. Avons-nous seulement, dans aucun de nos établissemens français d’outremer, l’embryon d’un système si bien combiné pour l’information des colons ?

On a vu que beaucoup d’immigrans en arrivant aux États-Unis se font fermiers. Être fermier, c’est le rêve de la plupart d’entre eux ; mais que de déboires au commencement quand l’éducation ne les y a pas préparés ! Un jour du mois d’août 1868, l’un de ces anciens