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triers d’où tous ne reviennent pas toujours. L’année 1874 comptera au nombre de celles qui font époque dans l’histoire de l’astronomie par les grandes expéditions qui se préparent en ce moment, et qui n’ont d’autre but que d’observer le passage de Vénus sur le soleil au mois de décembre prochain ; on espère ainsi savoir une bonne fois si décidément la parallaxe du soleil est de 8 secondes 8 dixièmes, ou s’il faut la supposer égale à 8 secondes 9 dixièmes. Il y a dix ans, on admettait encore, sur la foi des calculs de M. Encke, le chiffre de 8″,6. Ce chiffre donnait 153 millions de kilomètres pour la distance du soleil ; elle serait de 149 millions de kilomètres, si la constante de la parallaxe était égale à 8″,8, et de 148 seulement, si elle était égale à 8″,9. C’est donc pour rectifier la mesure de la distance du soleil que des astronomes de tous les pays se rendront cette année avec un grand attirail de télescopes, de chronomètres et même d’appareils photographiques, dans les parages du grand Océan, au Japon, en Chine, en Australie, dans les mers du sud. L’assemblée nationale a voté une somme de 300 000 francs pour les frais de cette expédition, les États-Unis ont donné 150 000 dollars, les gouvernemens de Russie, d’Angleterre, d’Allemagne, ont également accordé des sommes considérables. Les stations ont été choisies longtemps à l’avance, les instrumens sont prêts, les observateurs font leurs derniers préparatifs avant de partir pour la détermination de la parallaxe solaire.

On appelle d’une manière générale parallaxe, c’est-à-dire différence d’aspect, l’écart entre les positions apparentes d’un objet visé de deux points de vue différens ; la parallaxe est donc l’angle formé par les deux rayons visuels qui aboutissent au même point. Supposons deux observateurs placés en deux stations convenablement choisies et visant le sommet d’un arbre éloigné : ils le verront dans deux directions d’autant plus différentes que la distance qui les sépare l’un de l’autre sera plus considérable ; en rapportant la position de l’arbre à celle d’une tour qui se dessine à l’horizon, ils le verront par exemple l’un à gauche, l’autre à droite de la tour. La différence des deux directions observées sera la parallaxe de l’arbre ; en supposant que l’on connaisse encore la longueur de la base d’opération, c’est-à-dire l’intervalle entre les deux stations, il sera facile de calculer la distance de l’arbre. C’est là le principe des méthodes par lesquelles on parvient à mesurer des distances inaccessibles. Ce sont les parallaxes des corps célestes[1] qui nous permettent de mesurer l’espace

  1. Lorsqu’on parle de la parallaxe du soleil comme d’un nombre déterminé, on entend toujours la constante de la parallaxe, qui est la moitié de la parallaxe relative à deux lieux antipodes, ou la moitié de l’angle sous lequel un observateur placé dans le soleil verrait la terre. C’est cette constante qui est égale à environ 9″.