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geantes. M. le duc de Broglie, qui ne demandait pas mieux visiblement que de se laisser convaincre, a répondu de son côté sans se compromettre avec ceux qui lui offraient encore une fois leur appui. Le fait est que, si le ministère s’est montré susceptible, il n’a pas tardé à s’adoucir, et que, si la majorité a eu le 8 janvier une fantaisie, elle a retrouvé le 12 toute sa discipline. Le cabinet a eu son vote de confiance, il a eu aussi sa loi des maires remise au premier rang des délibérations de la chambre, et le journal officiel, ce registre de l’état civil des pouvoirs qui naissent, qui tombent ou se relèvent, a pu inscrire que la démission des ministres était retirée « sur la demande de M. le président de la république. »

Tout est bien qui finit bien. Reste la moralité ou la signification de la crise et de la victoire parlementaire qui en a été le dénoûment. Si cette victoire avait eu pour effet de fortifier le ministère en le remettant debout, de reconstituer une véritable majorité, de dissiper toutes les confusions, de dire au pays où « on le mène, » selon le mot de M. de Kerdrel, ce serait pour le mieux. En est-il réellement ainsi ? N’est-il point à craindre au contraire que la victoire de lundi, réparant la défaite de jeudi, n’ait été achetée par un sacrifice de plus à ce qui fait justement la faiblesse du ministère ? Ce n’était qu’une surprise, dit-on, le vote du 8 janvier était l’expression d’une majorité de hasard, non de la vraie majorité ! Surprise, si l’on veut ; les surprises de ce genre n’arrivent évidemment que dans certaines conditions, et tant que ces conditions ne changent pas, les surprises sont toujours possibles. Celle du 8 janvier est née sans doute en partie de cette circonstance que l’assemblée était incomplète ; elle est née aussi et surtout de la situation, d’une confusion parlementaire croissante, d’une profonde incompatibilité d’humeurs et de tendances entre les élémens divers d’une majorité artificielle et passionnée, de l’hésitation du ministère lui-même à prendre un parti, à se faire une politique au milieu de ces complications intimes. On va ainsi au hasard avec une assemblée souveraine qui finit par se perdre dans ses propres divisions, avec une présidence septennale placée au sommet d’un régime qu’on ne veut pas ou qu’on n’ose pas définir, avec une politique qui, sous des apparences de fermeté et même quelquefois de raideur, a le sentiment de sa faiblesse. Oui, le mal vient de ce qu’on ne sait pas accepter les choses comme elles sont, marcher avec résolution sur les difficultés, prendre la force là où elle est, et s’établir dans les seules conditions possibles, au risque de froisser des regrets, des préjugés ou des espérances de parti. On laisserait en chemin quelques alliés douteux, c’est possible ; on retrouverait toutes les bonnes volontés sincères, l’opinion et le pays.

Tranchons le mot. Le nœud de nos affaires actuelles est dans une équivoque, dans une contradiction ou une impossibilité qu’on s’est créée faute de décision, et le ministère ne fait que subir les consé-