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tyroglyphus, je m’empressai dès mon arrivée à Paris (treize jours après) de rechercher ce que ces acariens étaient devenus. Le nombre m’en parut bien diminué : cinq ou six au plus au lieu de plusieurs douzaines ; mais à ma grande surprise je vis dans la même terre d’autres acariens bien plus petits, plus agiles, à corps tout d’une venue, dépourvus des grosses mandibules en pince que présentent les tyroglyphus ; je me doutai que ces nouveaux venus n’étaient qu’une forme nouvelle issue des anciens. Ces hypopus (ainsi nommés jadis par Dugès, qui les croyait autonomes, c’est-à-dire d’un genre à part) dérivent en effet des tyroglyphes non par voie de génération, mais par une simple mue qui fait sortir de la peau d’une nymphe de tyroglyphe un être en apparence tout différent et qui n’est pourtant que le même individu sous des traits étranges ; l’hypopus lui-même redeviendra tyroglyphe par une série de transformations dont les phases n’ont pas été bien définies. Chaque espèce de tyroglyphus a probablement son hypopus correspondant. En observant, des deux côtés de l’Atlantique, celui du tyroglyphus phylloxerœ, M. Riley et moi, sans nous être concertés, confirmions les observations récentes de Claparède et de M. Mégnin sur ces singuliers cas d’hétéromorphisme. Tout ce qu’il importe de noter ici, c’est que, le premier hypopus décrit ayant été trouvé sur un insecte, bien que d’autres vivent sur des matières organiques mortes, il est probable que celui du phylloxera s’attache également en parasite à ce suceur de la vigne. Sur ce point, des recherches restent à faire, l’hiver ayant interrompu brusquement celles que M. Riley et moi avions entreprises.

Jusqu’à présent, le rôle de l’acarien en question comme ennemi du phylloxera s’est enfermé dans de très étroites limites. Les quelques mots que j’en avais dits à l’Institut sont devenus, grâce à la verve fantaisiste d’une partie de la presse, surtout de l’autre côté de l’Atlantique, le thème de véritables romans où l’acarus part en guerre contre le phylloxera. En dehors de ces inévitables exagérations, l’expérience seulement nous apprendra dans quelle mesure cette guerre très réelle pourra nuire à notre ennemi. En tout cas, aux États-Unis même le tyroglyphe en question n’a pas empêché le phylloxera de détruire nos vignes d’Europe, et, s’il est vrai, comme je commence à le croire, qu’un tyroglyphe très semblable vive en Europe sur les racines des vignes phylloxérées, l’on ne s’est malheureusement pas aperçu qu’il ait sauvé ces vignes de la mort. Ce tyroglyphe européen a été vu et signalé, en même temps que deux autres acariens, en août 1869, par un savant viticulteur, M. Eugène Raspail, de Gigondas (Vaucluse) ; je l’ai retrouvé souvent depuis, soit au milieu des phylloxeras, soit sur des racines de vignes pourries d’où les phylloxeras s’étaient éloignés. Cette dernière circonstance,