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le sceptre dans la main droite, une couronne de laurier dans la main gauche, imposante de calme et de grandeur. À ses pieds, la princesse Dachkof, présidente de son académie, semble rêver à ses mémoires, Potemkine tient sous son talon le turban, Souvarof s’appuie sur le glaive exterminateur. À côté des généraux victorieux, des audacieux amiraux, des laborieux ministres, à côté d’Orlof, vainqueur à Tchesmé, de Roumantsof et de Tchitchagof, de Betski et du Bezborodko, un neuvième personnage, un simple littérateur, le poète Derjavine, complète cette représentation du siècle de Catherine la Grande. La première pierre de ce monument avait été posée par Alexandre II en décembre 1869 ; c’est le 6 décembre dernier qu’on en a fait l’inauguration. L’empereur, l’impératrice, le grand-duc héritier, tous les princes et princesses de la famille souveraine, ont tenu à venir en personne rendre hommage à cette glorieuse mémoire. Les prières des prêtres se sont unies aux hourras du peuple et de l’armée, au tonnerre de trois cent soixante coups de canon. Les régimens déjà fameux dans les annales de Catherine II, le Préobrajenski, le Séménovski, l’Ismaïlovski, puis toute une armée de quarante-deux bataillons et de trente-six escadrons a été appelée à défiler devant sa statue et à se faire, en quelque sorte, passer en revue par celle qui a tant de fois envoyé leurs devanciers à la victoire. En 1872, l’anniversaire de Pierre le Grand avait provoqué de nombreuses publications sur son époque. L’inauguration du monument de Catherine a été préparée par un effort analogue d’activité scientifique. Il y a bientôt quatre ans, le grand-duc héritier avait exprimé à la Société d’histoire, dont il est le président, le vœu de lui voir donner tous ses soins à la recherche des documens relatifs à sa grande aïeule. En effet, sept volumes tout entiers de son recueil sont consacrés à Catherine. Je les signale d’autant plus volontiers au public français qu’une partie de ces pièces sont en notre langue et ont les honneurs du texte. Dans le douzième volume, qui renferme les dépêches des ambassadeurs britanniques de 1762 à 1770, l’anglais domine. La même pensée de pieuse reconnaissance a inspiré une autre publication moins considérable, mais d’une coquetterie typographique qui n’aurait pas déplu à la tsarine. M. Bytchkof, en 1872, avait publié les lettres de Pierre le Grand ; en 1873, il dédie « à la mémoire de Catherine II » une collection choisie de ses écrits. Les pièces publiées par la Société impériale ou par ses membres touchent à toutes les années du règne, à l’administration, à la politique extérieure, à la réforme de la législation et de la société, aux relations de l’impératrice avec les gens d’esprit et les philosophes de l’Occident. Cette dispersion des documens sur une période si longue et sur des questions si multiples en rend l’analyse fort difficile. Je me bornerai à grouper un certain nombre