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et mieux il vaudra ; « mais, ajoute Laharpe, j’ai essayé vainement de présenter à monseigneur quelques réflexions sur l’inconvenance d’énoncer avec si peu de retenue des maximes qui feraient mal juger de son cœur, et je l’ai prié de m’en éviter à l’avenir la répétition. » Pourtant la correspondance de l’âne Constantin, comme le grand-duc s’intitule lui-même plaisamment, se continua avec son maître Laharpe jusqu’en 1829. Il s’y retrouve souvent trop semblable à lui-même. Ses appréciations de 1828 sur l’indépendance de la Grèce sont presque dignes de ses maximes de 1794 sur la discipline militaire. « J’avoue, écrit-il à son maître, que, tout en plaignant les Grecs, je ne trouve pas leur cause juste, et je ne puis admettre l’émancipation d’un peuple par la révolte de son voisin… La justice restera toujours justice ; elle est immuable. Les Grecs sont un pays conquis par le droit des armes et reconnu aux Turcs par des traités. » Son système évidemment, c’était l’obéissance passive, — même en politique.


VII.

Au souci de l’éducation de ses petits-fils vint bientôt s’en joindre un autre pour Catherine II : celui d’établir ses petites-filles. Alexandra Paulovna avait treize ans en 1796. C’est à ce moment que se place la négociation pour le mariage suédois[1]. Gustave III, dans ses dernières années, s’était rapproché de son ennemie Catherine II afin de se concerter avec elle pour une croisade contre la révolution. Il était mort assassiné. Le duc de Sodermanie, régent pendant la minorité de Gustave IV, effrayé de ce régicide qui resta impuni, se rejeta du parti des bonnets vers celui des chapeaux, et parut même disposé à une alliance avec le directoire ; toutefois, comme il n’osait encore rompre avec la Russie, il reprit une idée de Gustave III et mit en avant un projet de mariage entre le jeune roi et la grande-duchesse Alexandra. Le régent n’avait voulu, en présentant cet appât à Catherine II, que gagner du temps ; mais l’impératrice se passionna pour cette idée. Du côté des Suédois, ce n’était qu’une insinuation ; elle en fit l’objet d’une communication diplomatique. Le cabinet de Stockholm se trouva très embarrassé. Refuser, c’était peut-être courir à une guerre avec la Russie, et l’expérience du dernier règne n’était pas, en cette hypothèse, très rassurante. Accepter, c’était peut-être provoquer une rupture avec la république et l’embargo sur les vaisseaux suédois dans tous les ports français. Divers incidens virent tour à tour compliquer la situation ont ajourner la

  1. D’agrès les papiers communiqués par le baron A. Ph. de Budberg, neveu du général de Budberg, l’un des négociateurs du mariage. Recueil de la Soc. D’hist. de Russie, t. IX.