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tique. Jacobins, les Suédois qui n’entendaient pas que la Russie fût maîtresse chez eux ; jacobins, les Polonais, bien que, pour sauver leur patrie, ils voulussent fortifier le pouvoir royal, et jacobin aussi le sultan de Constantinople ! Budberg abondait dans ces idées. « On emploie mille moyens coupables, écrivait-il, pour venir à bout du roi : la franc-maçonnerie n’est pas un des moins utiles pour venir à ce but. On a tenu le jeune roi, il y a quelques jours, en loge jusqu’à cinq heures du matin. De plus en plus on l’entraîne dans les principes d’illumination. » Gustave IV paraissait cependant avoir confiance entière dans son gouvernement. « Adressez-vous au duc, disait-il à ceux qui l’entretenaient des intentions maternelles de Catherine ; j’accéderai à ses vues et à ses mesures, car, encore que l’impératrice soit ma parente et me veuille du bien, comme on me l’assure, le duc m’est plus proche, et je lui ai de plus grandes obligations. »

La position de Budberg à Stockholm ne s’améliorait point. « Personne n’ose lever la tête, écrivait-il, aucun Suédois n’a le courage de s’approcher de nous ; plusieurs membres du corps diplomatique ne croient également pas pouvoir se mettre au-dessus de la plate et ridicule crainte de déplaire au ministre prépondérant en fréquentant ma maison. » Reuterholm avait pénétré ses intentions, et l’ami suisse de Budberg reçut l’ordre de continuer ses voyages. La France et le Danemark poussaient au mariage avec la princesse de Mecklembourg. Décidément il fallait appuyer, insister sur le seul moyen qu’on eût encore de réduire les Suédois. On devait accumuler les préparatifs, parler plus haut, — au lieu de livrer Armfelt, exiger le renvoi de Reuterholm. Ces manœuvres réussirent assez bien, et Budberg put écrire à sa souveraine que, sous l’influence de ses armemens, le régent et son ministre avaient essayé d’entrer en explication avec lui, mais qu’il avait repoussé avec dédain leurs ouvertures. Alors le duc de Sudermanie se décida à écrire à l’impératrice une lettre autographe, où il invoquait les liens du sang, l’ancienne amitié, les traités. Il s’engageait à n’entretenir avec les Français qu’autant d’amitié qu’il en faudrait pour conserver la paix. Enfin, abordant le point délicat de la situation, il donnait sa parole d’honneur que le mariage du roi avec la princesse de Mecklembourg n’aurait pas lieu « pendant le temps qu’il avait encore à tenir les rênes de l’état. » On invitait Budberg au grand couvert, on offrait de le présenter au roi. Le Hoc, envoyé de la république, recevait ses audiences de congé. Les rapports de Budberg caractérisent assez bien le progrès de l’humilité suédoise et de la hauteur russe. « D’après ce que je sais maintenant, écrit-il à propos de Reuterholm, j’ai lieu de croire que cet homme violent n’est ni Russe ni républicain français, mais tout simplement dominé par une ambi-