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l’invasion avait commencé, que la frontière française était forcée, que l’ennemi s’avançait désormais sur notre sol, et que cette nouvelle, allant retentir tout à coup à Metz, ne pouvait qu’ajouter au trouble de l’état-major impérial. Le maréchal de Mac-Mahon lui-même n’était point sûrement sans se préoccuper de la situation que la journée du 4 lui faisait. En quelques heures, tout s’était singulièrement aggravé devant lui… La ligne de la Lauter était perdue. La retraite de la division Douay entraînait un mouvement rétrograde de la division Ducrot, qui ne pouvait plus rester en l’air à Lembach. Maintenant de deux choses l’une : ou bien il fallait se résigner courageusement à se replier après un combat d’avant-garde dans les Vosges, ou bien il fallait choisir une ligne nouvelle, sur laquelle on tenterait d’arrêter l’ennemi, de le rejeter sur la frontière. C’est ce dernier parti que prenait le maréchal de Mac-Mahon, surtout probablement après avoir été informé le 5 par le maréchal Lebœuf que l’empereur, par une prudence tardive, mettait sous ses ordres les 5e et 7e corps avec le 1er, de même qu’en Lorraine on mettait les 2e, 3e et 4e corps sous les ordres du maréchal Bazaine. C’était, à vrai dire, une question de position, de forces et de temps.

La position, elle était toute désignée par les traditions de la guerre. Après la Lauter, il y avait la Sauer, au-dessus de la Sauer il y a Frœschviller, décrit par Gouvion Saint-Cyr, illustré par Hoche. Là on pouvait avoir quelque chance de disputer le passage, même selon l’état-major allemand, à un ennemi supérieur. Ces positions sont formées par une série d’accidens de terrain se détachant des Vosges, s’étendant entre la Sauer et l’Éberbach sur une longueur de 6 kilomètres de Nehviller à Morsbronn par Frœschviller, Elsashausen, le Niederwald. En avant de ces hauteurs coule la Sauer, qui descend des Vosges, se déroule dans une vallée profonde couverte de prairies et s’en va par la forêt de Haguenau vers le Rhin. La clé des positions est à Frœschviller même, où se croisent plusieurs routes dont l’une peut servir de ligne de retraite par Reichshofen tandis qu’une autre descend vers la Sauer et le gros village de Wœrth, première défense dans la vallée. Ces positions, étudiées, parcourues le 5 et définitivement choisies par le maréchal de Mac-Mahon, sont assurément des plus puissantes ; elles n’ont cependant toute leur efficacité défensive qu’à deux conditions : la première est qu’on puisse occuper sur la rive gauche de la Sauer quelques points avancés, Langensultzbach, qui garde un des débouchés de la vallée, Goersdorf, Gunstett ; la seconde condition, qui se confond avec la première, c’est qu’on dispose de forces suffisantes pour tenir ces points essentiels, pour n’être pas débordé même dans les positions de la rive droite de la Sauer. C’était là précisément la question ; le maréchal avait-il des forces suffisantes ? Les états officiels, toujours