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ans, et la fête de l’Elysée n’eût pas été moins brillante, elle n’eût pas été moins utile au commerce parisien parce qu’elle aurait été donnée un autre jour. C’était bien facile, et c’eût été une manière de tout concilier sans paraître oublier qu’à l’heure où les lustres de la fête s’éteignaient la grande ville exténuée tombait, il y a trois ans, aux pieds de l’ennemi ! Les lumières sont éteintes, la fête est passée. C’est bien plus grave quand cet oubli de la vraie situation de la France entre dans la politique pour la troubler, pour susciter des embarras aussi pénibles qu’inutiles.

Évidemment, si les prélats qui ont publié récemment des pastorales agitatrices et agressives au sujet des affaires religieuses de l’Allemagne, si ces prélats avaient consulté un peu moins leur passion ou leur zèle, un peu plus l’intérêt de leur pays, ils se seraient retenus, ils auraient gardé le silence ; avec un sentiment plus vrai des choses, ils auraient évité de donner à M. de Bismarck des armes contre la France, contre le gouvernement français, ils ne nous auraient pas exposés à rester pendant quelques jours sous le coup de quelque humiliante injonction. Qu’en a-t-il été réellement ? M. le chancelier de l’empire d’Allemagne n’a point réclamé officiellement, il n’a point demandé des poursuites contre M. l’évêque de Nîmes, c’est possible. Ce qu’il n’a pas dit par une voie officielle, il l’a fait dire par un journal connu pour être son porte-parole. L’effet a été le même. Le cabinet de Versailles a voulu détourner le coup, il a suspendu l’Univers, qui publiait un nouveau mandement de M. l’évêque de Périgueux. C’est le journal qui a payé pour les prélats, sous prétexte qu’il pouvait provoquer des « difficultés diplomatiques » par des polémiques violentes. On a trouvé sans doute cela plus commode, et mieux eût valu procéder sans subterfuges et sans ménagemens. Il eût été plus simple de ne pas attendre que la question prît une apparence de gravité, d’aller dès le premier moment droit aux évêques, pour les rappeler avec une netteté aussi respectueuse qu’on l’aurait voulu, mais aussi péremptoire qu’il l’aurait fallu, au sentiment de ce qu’ils doivent à leur pays. On n’avait pas besoin d’une grande sagacité pour comprendre le danger de cette campagne épiscopale, et on était certes autorisé à l’arrêter au premier pas, à la réprimer, s’il le fallait, à prévenir les prélats qu’ils devaient s’occuper de leur diocèse, de leurs églises, qu’ils n’avaient pas le droit de déclarer la guerre ou de faire de la diplomatie batailleuse par des mandemens. M. le ministre des affaires étrangères doit suffire à la direction et à la sauvegarde de nos intérêts à l’extérieur.

Au fond, rien n’est plus triste que ces intempérances de langage, qui ne sont pas plus innocentes dans les mandemens que dans les journaux. Des évêques se donnent la satisfaction de dire des duretés sur l’empereur d’Allemagne, sur M. de Bismarck, aussi bien que sur l’Italie,