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même forme, mais moins haut, ce qui les rapproche de nos verres à pied ; la pâte de ces gobelets est grise et très grossière. Les trois couches supérieures ont donné une belle série d’amphikypella, qui vont en diminuant de grandeur avec les années, sont toujours fabriqués de la même manière et conservent exactement leurs formes.

Une autre série de vases, lissés sur teinture rouge comme les précédens, est celle des cruches à long bec, semblables à ces carafes de cristal à col et à grande anse dont nous nous servons sur nos tables. Celles d’Hissarlik sont fort élégantes ; le col allongé se termine par un long bec redressé presque verticalement ou même un peu rejeté en arrière. Nous en avons trouvé d’analogues à Santorin, mais plus élégantes encore et imitant des femmes avec leurs seins en saillie, des colliers et des boucles d’oreilles en couleur. Les carafes troyennes ont quelquefois aussi des seins de femme et la saillie du gosier ; elles sont parfois accolées deux ensemble, ou bien une même carafe a deux cols juxtaposés et tous deux terminés par un long bec dressé. Quoique nos fouilles et celles de M. Fouqué à Santorin aient montré que cette forme de vases était connue au sud comme au nord de la mer Égée, il est incontestable que ceux de la Troade ont été confectionnés en Troade avec les matériaux et les lissoirs que le pays fournissait. Cette industrie s’est même conservée jusqu’à nos jours : tous les voyageurs qui sont allés à Constantinople connaissent les belles carafes de terre émaillée des Dardanelles : elles ont, comme celles d’Ilion, le col allongé avec un bec disposé d’une autre manière et ingénieusement compliqué ; elles portent peints en jaune ou en or des boucles d’oreilles, des colliers, une large fleur sur la poitrine et une autre sur la place de chacun des seins.

Les formes de la femme ont été données par les habitans d’Hissarlik à un autre genre de vases dont il me reste à parler, et dont l’importance historique sera très grande. Ce sont des vases à panse et à large col, posant sur leur fond et munis d’un couvercle tantôt plat avec une aigrette recourbée, tantôt en cloche cylindrique ou sphéroïdale munie d’une anse supérieure et le plus souvent d’une couronne royale à quatre cerceaux. Les premiers, ceux dont le couvercle est plat, ont à la partie supérieure du col une tête de chouette qui est la tête même du vase : elle a sur les côtés deux oreilles saillantes ; la face se compose d’une double arcade figurant le dessus des yeux, sous chaque arcade un gros œil hémisphérique, et au milieu de la face un bec de chouette proéminent. Sur les deux côtés de la panse sont deux grandes ailes relevées verticalement ; sur la panse, deux seins de femme, et plus bas un nombril. Des preuves sur lesquelles nous reviendrons nous obligent à voir dans ces vases