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LA


CRISE RELIGIEUSE EN EUROPE




On a souvent accusé de préoccupations étroites et d’idées fixes ceux qui signalaient, en dehors de toute vue dogmatique intéressée, les périls que la question religieuse peut faire courir à la paix du monde en cette seconde moitié du XIXe siècle, qui réserve aux esprits superficiels tant de surprises[1]. Quand des personnes informées venaient dire : « Prenez garde, les raisonnemens que vous faites sur la France, sur son indifférence religieuse, sur sa routine et sa passivité en fait de croyances, pourraient bien ne pas s’appliquer au reste de l’Europe, et surtout au monde germanique et slave, » elles ne recueillaient d’ordinaire qu’un sourire incrédule. Des hommes qui se croyaient habiles leur reprochaient d’agiter le présent par des réminiscences d’un autre âge. Quelques faits récens sont venus troubler cette quiétude, la possibilité d’une guerre religieuse s’est révélée tout à coup ; on a vu que les idées modérées et les convenances particulières de notre pays ne s’appliquent qu’à un monde très réduit. Il importe d’envisager avec froideur une situation que la France n’a pas faite, mais qui s’impose à elle. Ces grandes luttes religieuses ne sont qu’à leurs débuts ; elles tiennent à ce qu’il y a de plus profond dans l’histoire des sociétés modernes. Se tromper même légèrement sur le parti qu’il convient d’y prendre, c’est s’exposer à un écart funeste qui pourrait mener dans l’avenir aux conséquences les plus graves.


I.

Deux faits renferment l’explication du déchirement qui s’est produit tout à coup dans une situation calme en apparence. Ces deux

  1. Voyez l’excellent travail de M. de Pressensé sur la Politique religieuse en Allemagne dans la Revue du 1er mai 1873.