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aucun n’a beaucoup plus de mille ans, dont quelques-uns n’ont pas cent ans. Réfuter historiquement ces prétentions d’érudits passionnés serait chose facile ; mais à quoi sert de réfuter des préjugés embrassés comme une foi par un peuple tout entier ? Le premier article du credo allemand est que l’Allemagne ne doit relever que d’elle-même, et, comme la religion, dans la manière de voir de cette école, est une chose capitale, une chose sur laquelle l’état ne peut abandonner son contrôle, l’assujettissement d’une partie du peuple allemand à la curie romaine, à un pouvoir qui n’est pas exercé par des Allemands, où des Français même peuvent avoir une grande part, est ce qui humilie le plus des personnes habituées à porter dans leurs raisonnemens une grande conséquence et à voir les événemens leur donner raison. Rattacher la fraction catholique du nouvel empire au protestantisme est une pensée qui ne s’est pas présentée à des hommes aussi éclairés. Les protestans libéraux de l’Allemagne voient bien que le XIXe siècle ne peut se souder au XVIe, et que l’on n’amènera ni les catholiques ni les protestans à renoncer à ces vieilles dénominations confessionnelles pour lesquelles on a versé tant de sang ; mais ils croient que le catholique allemand aurait sa conscience suffisamment tranquillisée, s’il gardait son nom, ses prêtres, ses pratiques traditionnelles, tout en n’ayant avec le reste de la catholicité, surtout avec Rome, qu’un lien très lâche. Ils ne voient pas que pour le catholique ce lien est tout. Dès qu’on admet que la source des grâces divines est entre les mains d’un pontife suprême d’où elle s’épand sur l’église entière, celui qui n’est plus en communication par les canaux hiérarchiques avec ce centre de tout bien meurt de sécheresse. À vrai dire, les libéraux allemands sont gens trop savans pour ne pas comprendre cela ; mais ils ont compté sur l’entraînement du patriotisme et de la gloire. Ils voient que le catholicisme a été, depuis le XIe siècle, la ruine de la patrie allemande, la cause presque unique qui a empêché leur pays de réaliser la destinée qu’ils rêvent pour lui. Ils sont convaincus que de nos jours le catholicisme est le grand obstacle à leurs plans d’une grande-maîtrise intellectuelle et politique exercée sur le monde par l’Allemagne unifiée. En tout cas, il faut dire qu’ils n’ont guère de choix. Le nouvel empire allemand et le catholicisme sont nés affrontés ; il faut que la victoire décide entre les deux. Ce n’est pas une superficielle antipathie, un caprice personnel de M. de Bismarck, qui arment l’une contre l’autre ces deux grandes forces de l’Europe ; — seuls des politiques bornés, ne concevant pas qu’on soit prévoyant, qu’on aille au-devant des problèmes, qu’on ne se repose pas sur sa victoire, ont pu penser cela ; — c’est la raison même des choses, c’est la lutte pour la vie. Vita Caroli, mors Conradini. Par une coïn-