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ÉTUDES


D’ÉCONOMIE RURALE



LA QUESTION DU BLÉ, LE COMMERCE DES CÉRÉALES ET LES CRISES DE SUBSISTANCES.


Parmi les préoccupations que nous réservaient les derniers mois de cette année, celle du pain a failli prendre une certaine gravité. Après avoir vu le blé monter à des prix élevés à la suite de la récolte très abondante de 1872, on se demandait avec inquiétude si la récolte si mauvaise de 1873 n’allait pas mettre le comble à nos malheurs en nous apportant la disette, peut-être la famine. Qu’allions-nous devenir avec la perspective de cette nouvelle calamité ? Le déficit allait-il donc reparaître avec son cortège de séditions et de haines populaires ? Le spectre de la faim viendrait-il errer dans nos rues, déjà couvertes de tant de ruines ? Telles étaient les craintes qui se faisaient jour, et, comme la peur est mauvaise conseillère, on invoquait le secours de tous les palliatifs en usage dans le passé lors des crises de subsistances : greniers d’abondance, réquisitions, maximum, rien n’y manquait. Palliatifs peu efficaces, si l’on en juge par les résultats ! Réglementation condamnée par l’expérience, puisqu’elle tend partout à disparaître ! Le mal fort heureusement n’a pas cette gravité, et nous en serons quittes pour la peur. Quand on observe les changemens survenus depuis un demi-siècle dans la production, dans le prix et dans le commerce du blé en France, on reconnaît bien vite que les famines sont aujourd’hui impossibles, et que la cherté elle-même ne saurait plus avoir que des effets restreints et une durée limitée. Il suffira sans doute de l’établir et d’éclairer ainsi le présent par la lumière du passé pour dissiper toutes les inquiétudes.