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avant le soulèvement de 1821 n’était plus possible. Si la paix de l’Europe dépendait de la pacification de l’Orient, il n’y avait pas, suivant lui, à hésiter : il fallait réaliser l’émancipation pure et simple ; mais sur ce terrain même il était difficile aux puissances occidentales de s’accorder. Cependant l’idée d’une expédition anglo-française uniquement destinée à faire évacuer la Morée commençait à germer dans les esprits. Ce ne serait pas la guerre ; ce serait tout au plus une démonstration armée.

La crise ministérielle qui venait de transformer le cabinet anglais avait eu son pendant en France. Quelques jours avant que le duc de Wellington se vît appelé à diriger les affaires du royaume-uni, M. de Villèle avait dû céder la place à M. de Martignac. Le comte de Chabrol et M. de Frayssinous furent les seuls membres de l’ancien cabinet qui entrèrent dans la composition du nouveau ministère. Le portefeuille des affaires étrangères échut à M. de La Ferronays, dont les sympathies s’étaient depuis longtemps prononcées en faveur de l’alliance russe. Le nouveau cabinet se trouva dès lors partagé entre le désir de ne pas froisser la Russie et la crainte de se séparer de l’Angleterre. Une lettre privée, que je n’hésite pas à reproduire tout entière, nous fait assister aux combats intérieurs de cette administration, à ses appréhensions, à ses incertitudes. « J’ai reçu, écrit M. de Chabrol à l’amiral le 21 février 1828, vos dernières dépêches de la fin de janvier, et j’ai mis sous les yeux du roi les réflexions fort judicieuses que vous présentez sur la situation des choses dans le Levant. Cette situation s’est fort aggravée depuis vos lettres par la déclaration inattendue de la Porte et par son manifeste, qui devient une véritable déclaration de guerre. Tout ceci va occuper sérieusement la conférence de Londres, et je ne puis vous dire encore quelles seront les résolutions auxquelles on s’arrêtera. Je crains que le changement du cabinet anglais ne porte quelque complication dans cette affaire. Le nouveau cabinet paraît n’avoir accepté que sous bénéfice d’inventaire le combat de Navarin, et je crois qu’il n’en est point aux regrets sur la part que l’Angleterre a prise à un tel événement. Pour nous, nous sommes décidés à maintenir autant que possible l’alliance, seul moyen d’arriver à un résultat. Nous ne savons que peu de chose encore de la Russie ; il est probable que rien ne l’empêchera d’aller de l’avant. Le rôle qu’a joué l’Autriche dans tout ceci a paru suspect, Elle a voulu éviter une complication, et elle en a fait naître une beaucoup plus grande. Nous-mêmes, nous avons voulu éviter la dissolution de l’empire ottoman, et il est possible que nous l’ayons précipitée. Les cabinets dans cette affaire, — et on n’est pas à le reconnaître, — ont été menés par l’opinion plus que par la réflexion et la sagesse ; mais enfin l’affaire est engagée, et il faut aller jusqu’au bout. Le roi ne consent pas à ce que