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traités dont l’exécution restait en suspens. Aussi le 26 février 1828 répondait-elle au manifeste du sultan par un mémorandum qui n’admettait pas de réplique. Les troupes russes entreraient dans les principautés. L’empereur renonçait à toute conquête, mais il ne déposerait pas les armes avant d’avoir obtenu les garanties nécessaires aux intérêts russes, les droits promis aux peuples chrétiens placés sous sa protection, et pour lui-même, avec les paiemens des frais de guerre, les indemnités résultant des pertes éprouvées par ses sujets. Voilà où aboutissaient après six années de tergiversations les pourparlers diplomatiques. À côté de la lutte soutenue avec une héroïque obstination par la Grèce, avec une indomptable fermeté par la Porte, se jouait dans l’ombre la partie des cabinets. Cette campagne politique a quelque titre encore à être étudiée par les hommes d’état ; on pourrait l’appeler, je crois, sans injustice, le triomphe de la diplomatie russe. L’habileté, la patience, la suite dans les idées, rien ne manqua aux ministres du tsar. Ils en vinrent à leurs fins, et cependant ils avaient trouvé dans le prince de Metternich un rude jouteur ; mais le prince essayait de remonter le courant de l’opinion publique, la Russie avait l’immense avantage de pouvoir s’en servir.

III.

Le mémorandum du 26 février communiqué à la conférence de Londres par le prince de Lieven était fait pour émouvoir les puissances. Les efforts redoublèrent de tous côtés en vue de conjurer la crise. L’envoyé du roi de Prusse à Constantinople, M. Miltitz, se joignit à l’internonce d’Autriche, le baron Ottenfels, pour presser les amiraux alliés de favoriser de tout leur pouvoir la conclusion d’un arrangement direct entre les insurgés et la Porte-Ottomane. La Sublime-Porte venait, disaient-ils, de charger d’une part le fils du vice-roi d’Égypte, Ibrahim-Pacha, de l’autre le patriarche de Constantinople, de renouveler aux Grecs l’offre simultanée d’un pardon général et de diverses faveurs qui deviendraient le prix de leur soumission. Elle leur accordait un terme de trois mois pour profiter de cet acte d’amnistie. Pendant ces trois mois, l’injonction la plus positive serait faite aux commandans des forces musulmanes, tant sur terre que sur mer, de s’abstenir de toute hostilité. N’était-ce pas l’équivalent complet de la suspension d’armes exigée par l’article premier du traité de Londres, comme condition préliminaire et indispensable de l’ouverture des négociations ? « Nous croirions, écrivait M. Miltitz à l’amiral de Rigny le 1er mars 1828, manquer à la sainteté de nos doubles devoirs de ministres de paix et de représentans de deux cours amies à la fois de la