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marcher sur Athènes. « Je crois utile, écrivait le marquis Maison à l’amiral, d’aller le plus tôt possible dans l’Attique. J’enverrai par mer à Salamine ou sur tout autre point de la côte 3 500 hommes environ et une cinquantaine de chevaux. Le général Sébastiani passera par Tripolitza et Argos. Je voudrais que ce double mouvement pût se faire du 18 au 20 courant au plus tard. » Le comte Capo d’Istria voyait avec la satisfaction la plus vive notre armée s’engager dans une opération qui tendait à donner de fait à la Grèce une province que la diplomatie lui disputait encore. Ni l’amiral Malcolm, ni les ambassadeurs rassemblés à Poros ne faisaient opposition au départ de nos troupes ; la joie était au camp. Les Arabes nous avaient échappé, on allait trouver mieux ; il y aurait presque autant d’honneur à disperser les escadrons de Reschid-Pacha, à battre les Albanais d’Omer-Vrioni, qu’il y en avait eu jadis à vaincre les fameux mamelouks de la campagne d’Égypte. Une dépêche ministérielle fit soudain tomber ce beau feu. On invitait le général Maison à se renfermer strictement dans les termes du traité du 6 juillet. Notre action militaire ne devait pas s’exercer au-delà des limites de la péninsule.

Ainsi les occasions d’acquérir quelque gloire fuyaient l’une après l’autre cette vaillante armée où s’était donné rendez-vous tout ce que nos états-majors renfermaient de jeunesse ardente et d’officiers capables. Nous avions alors en Morée plus de 14 000 hommes, un millier de chevaux, dix-huit canons, dix obusiers, quatre mortiers, à la tête de l’expédition un des meilleurs généraux de l’Europe, — et le seul ennemi qu’on trouvât à combattre, c’était celui qui a détruit plus de soldats que le fer ou le canon, la fièvre paludéenne. Restait, il est vrai, le château de Morée ; mais si ce château allait se soumettre sans combat, s’il allait se laisser enlever par un coup de main ! On eut meilleur espoir quand on apprit que le général Schneider venait d’ouvrir la tranchée. Les 16e, 46e et 58e régimens reçoivent l’ordre de se tenir prêts à partir. Les premiers bataillons du 16e et du 46e seront embarqués et se rendront par mer à Patras. Le 20 octobre, on se met en marche. On traverse Philiatra, Arcadia, le dervend de Kledi, l’Alphée, dont les débordemens annuels ont converti les terres qui l’avoisinent en marais fétides, Pyrgos, qui avant la guerre était devenue la cité la plus belle et la plus commerçante de la Morée. Le 26, la colonne, au sortir d’une forêt de chênes gigantesques, débouche sur les bords du golfe de Patras. Elle a parcouru en moins de six jours près de 50 lieues. Le château de Morée se dresse à l’autre extrémité d’un demi-cercle formé par les sinuosités du rivage. Cette citadelle n’était primitivement qu’un ouvrage composé de quelques