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de lui, si l’on refuse de l’aider franchement dans la tâche difficile qui lui est imposée, il faudrait le dire, au lieu de le berner ainsi. Sa position est fausse. Les puissances le traitent comme un Grec dont elles se défient, et les Grecs, que lui-même méprise trop ouvertement, le regardent comme l’agent des puissances. »

Vers la fin du mois de février 1829, le vice-amiral de Rigny obtint l’autorisation de remettre le commandement de la station au contre-amiral de Rosamel. Le commandant en chef de l’expédition de Morée, à qui la frégate la Vénus allait apporter le bâton de maréchal, ne s’embarqua pour rentrer en France que le 22 mai 1829. Les trois mois qu’il passa encore en Grèce furent bien employés. « Je pousse, écrivait-il, les travaux des places. Modon commence à prendre tournure. Je fais faire un fossé et un chemin couvert à Navarin. » Il assurait ainsi sa position et, en cas de retraite, rendait un important service au jeune état affranchi prématurément de sa tutelle. Les Grecs en effet n’avaient pas de fonds qu’ils pussent consacrer à relever les murs de leurs places fortes, car c’était à eux seuls que restait dévolu le soin de conquérir toute la portion de territoire placée en dehors de la péninsule. Le début des opérations entreprises dès les premiers jours du printemps en Roumélie fut marqué par de rapides succès. On revit alors sous les murs de Lépante 4 000 palikares groupés autour des drapeaux de Jean Zavellas et de Hadgi-Christos, ce chef beau comme Achille, que sa haute stature désignait de loin aux coups des Turcs, que sa vaillance leur faisait redouter. Quel aspect différent de celui que présentait l’armée campée quelques mois auparavant sur l’autre rive du golfe ! Plus d’avant-postes, plus de gardes intérieures, des chevaux paissant à l’aventure, des soldats dispersés et ne se réunissant qu’à l’heure du combat ; mais, fantassins ou cavaliers, tous ces guerriers sont sobres, et durs à la fatigue. Il ne leur faut pour vivre qu’une poignée de farine de maïs, pour boisson que l’eau du ruisseau. Peut-être sauront-ils mal combattre de pied ferme ; cette faiblesse leur viendra d’un défaut de tactique et non pas d’un défaut d’énergie, car nos officiers les verront journellement s’exposer aux coups de canon des Turcs, « en pariant qu’ils iront frapper de leur sabre les portes de la ville assiégée. »

Le commandant de la flotte grecque, Miaulis, avait alors soixante ans, l’âge n’avait pas encore courbé sa taille robuste, ni affaibli les ressorts de son âme. Le 9 mars 1829, il franchit avec la frégate l’Hellas les petites Dardanelles et va jeter l’ancre en face de Lépante. Le 24 mars, il revient sur ses pas. L’Hellas s’embosse à portée de fusil du château de Roumélie et en canonne vigoureusement les remparts. Vers sept heures du soir, les palikares viennent