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avec l’état qui la précède ? Quelle convulsion sociale n’emprunte aux maladies mêmes de la société les causes secrètes qui l’ont fait éclater ? Plus d’un détail particulier, anecdotique même, tiré de ces pièces instructives, mettra cela en lumière mieux que de longs raisonnemens.


I.

Je n’ai nullement l’intention de méconnaître des différences qu’il est à peine besoin de rappeler entre les démocraties antiques et cette démocratie moderne qui fait le fond de la société française. Partout où la démocratie est devenue l’élément prépondérant, aux États-Unis, en Suisse comme en France, elle se recommande par des qualités laborieuses qui forment un contraste honorable avec les habitudes de paresse et de mendicité honteuse et générale des sociétés antiques. Plus de plèbe aux gages des riches ou vivant aux dépens de l’état, une bourgeoisie le plus souvent active, économe, — une partie du moins de la classe ouvrière s’élevant au bien-être par l’épargne, la propriété foncière et mobilière extrêmement divisée, — le sentiment d’indépendance et de dignité individuelle, qui en naît, plus répandu, — une part bien plus grande faite à la justice et à l’humanité dans les lois, — voilà les principaux traits de cette supériorité incontestable. Et pourtant, ôtez cette force intérieure qui se compose de croyances, de mœurs, de domination sur soi-même, qu’est-ce alors que la démocratie, sinon l’émancipation des instincts développés et surexcités par la toute-puissance dans les masses ? En vain le travail est-il devenu la loi des sociétés démocratiques ; le penchant à en secouer le joug se manifeste tantôt sous l’action de circonstances accidentelles qui jettent le trouble dans les habitudes d’activité régulière, tantôt à l’appel des doctrines trop écoutées qui promettent la jouissance sans l’effort. S’imagine-t-on que le besoin d’émotion et d’aventure, tant de fois signalé dans les démocraties du passé, ait perdu son empire dans cette société que les intérêts économiques semblent dominer et gouverner presque seuls ? Ne sont-ce pas de vieux défauts démocratiques et aussi des travers nationaux que l’amour du théâtral et le désir de faire figure ? N’en est-il pas ainsi du goût immodéré des places, de l’envie à l’égard de toutes les supériorités de richesse, de rang, de pouvoir et d’illustration ?

Ces dispositions persistantes n’ont laissé que trop de traces dans ces papiers. On peut y trouver les élémens d’un chapitre instructif de psychologie politique ou, comme on dit aujourd’hui, de physiologie sociale. Comment n’y pas voir l’influence du besoin d’émotion et d’aventure préféré au travail régulier ? N’est-ce pas là ce qui explique un fait, petit en apparence, très grand par les conséquences qu’il eut, le succès de cette espèce de salaire de la guerre civile, de