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indigène reposer sur des variétés de labrusca. Vient maintenant une série d’un autre groupe, les variétés que l’on rattache au raisin d’été. Quatre variétés principales de ce groupe occupent un rang distingué dans les vignobles, surtout dans la région vinicole du Missouri, dont Hermann est devenu le centre : ce sont le norton’s Virginia, le cynthiana, l’herbemont et le cunningham. Gagnée de semis, il y a plus de quarante ans, par un docteur Norton, de Richmond en Virginie, la première donne un vin rouge corsé, coloré, riche en bouquet, comparable, sauf la finesse, aux bourgognes, et auquel les Américains ont donné l’épithète de médicinal, c’est-à-dire hygiénique, tonique. D’abord méconnu par Longworth, qui le déclara médiocre, ce cépage acquit entre les mains des habiles vignerons d’Hermann une renommée qui s’étend déjà dans toute l’Amérique et qui pourra grandir vite en Europe, si sa remarquable résistance au phylloxéra et les qualités du vin qu’il fournit en font un des élémens importans de la reconstitution de nos propres vignes. Le cynthiana en est très voisin ; originaire de l’Arkansas, où l’on suppose qu’il a été trouvé à l’état sauvage, il ne figure que depuis 1858 dans les vignobles d’Hermann, mais on le vante comme un cépage de grand avenir et comme ayant donné déjà le meilleur vin rouge du Missouri. L’herbemont, bien que de renommée récente, date pourtant d’assez loin, s’il est vrai que feu Nicolas Herbemont l’ait découvert en 1798, dans une vieille vigne de la Caroline du sud. L’indigénat de cette variété fut établi lorsqu’on l’eut retrouvée sauvage dans le comté de Warren, en Géorgie, d’où le nom de warren, sous lequel elle est connue. C’est, avec le cunningham, le cépage dont la vigueur s’annonce le mieux à Montpellier comme résistance au phylloxéra ; à ce titre et par sa grande fertilité, qui l’a fait nommer sacs à vin, bags of wine, il mérite de figurer au premier rang parmi les cépages que nous sommes en train d’introduire. On place également dans le groupe des raisins d’été le lenoir ou long, dont M. Laliman a constaté la résistance au phylloxéra en même temps que l’excellence de son vin ; le devereux, donnant un excellent vin blanc ; le rulander ou sainte-geneviève (différent du rulander d’Allemagne), et le louisiana, introduit de la Nouvelle-Orléans dans le Missouri. On a cru longtemps à l’origine européenne de ces deux derniers, mais M. Husmann les tient pour bel et bien américains. Le cunningham est aussi d’origine virginienne ; né dans un jardin de feu Jacob Cunningham, dans le comté de Prince-Edward, il eut pour parrain et patron le docteur Norton, qui en fit du vin en 1835. Il s’accommode, paraît-il, des terrains calcaires maigres, à l’exposition du sud, et doit peut-être à cette sobriété de besoins l’aptitude qu’il semble montrer à végéter dans les rares points où l’on en a fait l’essai près de Montpellier.