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Aux variétés qui précèdent et que l’on suppose, sans preuves certaines, dérivées du vitis œstivalis, se rattachent d’assez près celles qu’on estime issues des vitis cordifolia ou riparia ; telles sont entre autres le clinton et le taylor. Cette origine n’est guère douteuse quant au taylor, dont les feuilles membraneuses, presque glabres, à grosses dentelures triangulaires, rappellent, à s’y méprendre, le type sauvage du vitis cordifolia, tel que je l’ai vu enlaçant de ses élégans festons les arbres de Goat-Island, près des chutes du Niagara. Le clinton, avec ses feuilles légèrement pubescentes sur les nervures, se rapproche davantage de la forme dite riparia ; il conserve dans ses petits grains noirs un peu du goût de cassis des gros grains des labrusca ; mais ce bouquet étrange, que les Américains craignent du reste moins que nous, n’empêche pas le clinton d’occuper une large place dans les vignes, parce que sa constitution vigoureuse lui permet de se défendre contre les diverses causes de destruction qui compromettent des variétés plus délicates. Particulièrement sujet aux galles du phylloxéra, il supporte sans faiblir les attaques de cet insecte sur l’abondant chevelu des racines. Ces qualités et la facilité avec laquelle il se multiplie par la simple bouture en feront probablement pour nous, surtout comme porte-greffe de nos cépages, un auxiliaire précieux. Le taylor donne un raisin blanc, base d’un vin estimé que l’on compare au célèbre riessling des bords du Rhin : une grande vigueur de végétation et une heureuse résistance aux maladies le recommandent au même titre que le clinton, mais on le dit moins fertile et par suite moins fréquemment cultivé. Ces variétés sont du reste relativement récentes ; le clinton ne remonte qu’à 1821, époque où le premier pied en fut planté dans l’enceinte d’un collège de New-York.

À côté des vignes américaines de grande culture, il y aurait encore lieu de signaler de très remarquables produits de croisemens entre ces vignes indigènes et nos divers raisins d’Europe. Les succès obtenus dans cette voie par les jardiniers Rogers, Allen, Arnold et autres font le plus grand honneur à la pomologie des États-Unis. Chez un peuple essentiellement utilitaire, la culture des fleurs d’ornement est naturellement négligée, celle des fruits excite au contraire un intérêt général. De là tant de progrès dans cette branche délicate et féconde de la culture qui, par le semis et l’hybridation, façonne en quelque sorte des êtres nouveaux dans les moules des types sauvages ou déjà perfectionnés. Pour ne parler que des raisins, c’est par centaines que s’en comptent aujourd’hui les variétés indigènes[1]. Quant aux hybrides, quelques-uns, comme le goethe, le

  1. Voyez à cet égard : A.-S. Fuller, the Grape culturist, New-York, — Isidor Bush. and Son, Illustrated descriptive Catalogue of grape vines, Saint-Louis 1869.