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et devint à l’âge adulte le plus détestable monarque. Ses sujets mécontens réclamèrent l’intervention des Anglais, qui, plutôt que de déposséder le jeune rajah, se contentèrent de lui enlever tous les pouvoirs. A partir de 1832, le Mysore fut régi, à la grande satisfaction des habitans, par une commission d’officiers et de fonctionnaires britanniques qui laissait au prince indigène les honneurs royaux avec une liste civile magnifique. Sous ce régime bienfaisant, la prospérité se rétablit dans une province dont le sol assez accidenté convient mieux que les plaines du Bengale au tempérament européen. C’est là que se trouve la petite chaîne des Neilgherries, où les résidens de la présidence de Madras vont s’abriter contre les chaleurs intenses de la côte de Coromandel. Des chemins de fer traversent l’état de Mysore; le coton et la canne à sucre y réussissent aussi bien que le mûrier et l’arbre précieux qui donne le quinquina. L’industrie européenne y a pris pied. Le budget de l’état se solde en équilibre après avoir fourni d’abondantes provisions aux services publics. Faut-il restituer une province si prospère à un gouvernement indigène ignorant, malveillant peut-être, tout au moins dissipateur? Les Anglais ne le pensent pas, et prolongent d’année en année leur tutelle bénévole sur ce petit royaume jusqu’au jour où quelque événement fera disparaître entièrement un monarque qui n’a depuis longtemps que l’apparence du pouvoir.

L’histoire du Berar est peut-être plus instructive encore. Le nizam, qui règne à Hyderabad, fut jadis, au temps de Clive et de Dupleix, un roi puissant dont les Européens recherchaient l’alliance. Aujourd’hui ses états sont enclavés entre le gouvernement de Madras et celui de Bombay. Les Anglais lui ont imposé un traité d’alliance, aux termes duquel il doit fournir à l’armée anglo-indienne un assez gros contingent. Le nizam est besoigneux, comme tous les princes indigènes ; il écrase ses peuples d’impôts et ne peut néanmoins faire honneur à ses engagemens. En 1850, la compagnie des Indes, se voyant en avance avec lui de 1 million de livres sterling pour l’entretien des troupes, offrit de l’en tenir quitte à condition d’administrer elle-même le district de Berar, qui contient un peu plus de 2 millions d’âmes. Ce district produisait alors de fort médiocres revenus, car le souverain du Deccan l’avait reçu, quelque temps auparavant, presque ruiné par la guerre pour sa part de butin après la défaite de la confédération mahratte. Un seul fait donnera l’idée de la façon dont il était gouverné : il n’y avait pas de cour de justice pour ces 2 millions d’habitans; il n’y avait pas non plus de police. Les collecteurs d’impôts avaient le droit de faire enfermer les délinquans; mais ils ne s’occupaient pas de nourrir les prisonniers, et ceux-ci n’avaient d’autre ressource que de vivre sur la charité publique. Cet état de choses s’est grandement modifié de-