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le Pendjab. Les chemins de fer permettraient sans doute de les faire refluer avec rapidité vers le sud, si les circonstances l’exigeaient. Toutefois ceci indique que les provinces du nord-ouest et la frontière afghane inquiètent le gouvernement vice-royal plus que les présidences de Madras et de Bombay. C’est là qu’est l’inconnu. La domination britannique s’est déjà sentie menacée de ce côté. C’est là qu’elle le serait encore, si quelque puissance étrangère, asiatique ou européenne, voulait lui porter atteinte.

A vrai dire, cette frontière du nord-ouest est une limite que les Anglais n’osent guère dépasser. D’un côté sont les Afghans, en proie à des dissensions intestines au milieu desquelles le vice-roi se garde bien d’intervenir; de l’autre s’ouvre, par le Cachemire et les cols du Karakorum, le Turkestan chinois, dont la situation politique est également incertaine. Entre les deux, des tribus sauvages se maintiennent indépendantes sur les pentes presque inaccessibles de l’Hindou-Kouch et du Boulor-Tagh. Le peu que l’on connaît de cette région d’un accès difficile, on le doit à des voyageurs aventureux qui s’y sont engagés dans ces derniers temps par amour des recherches scientifiques.

On a vu que les Anglais s’attachent avec raison à compléter le cadastre, qui est l’élément essentiel d’une juste répartition de l’impôt foncier. Ils travaillent en même temps à lever une carte exacte de la portion de l’Asie qu’ils occupent. La triangulation géodésique, qui est la base fondamentale de la carte géographique et des plans cadastraux, fut commencée dès 1802 par le colonel Lambton, continuée ensuite par le colonel Everest, auquel on doit la mesure des principaux pics de l’Himalaya. Comme elle s’achevait récemment dans les montagnes du Cachemire, les ingénieurs qui concourent à cette belle entreprise ne désiraient rien tant que de poursuivre leur œuvre à travers le massif de l’Asie centrale. La mesure d’un arc de méridien entre le cap Comorin et la Sibérie serait en effet une opération de premier ordre pour la géographie. Par malheur, la situation politique de l’Asie centrale ne permet guère d’y songer pour le moment. Cependant en 1865 un ingénieur géographe, M. Johnson, qui se trouvait alors à Leh, capitale du Cachemire oriental, reçut du sultan de Khotan une invitation de venir le visiter. Huit ans plus tôt, Adolphe Schlagintweit y avait été assassiné, et depuis lors aucun Européen n’avait franchi la frontière. M. Johnson, bravant le danger, se rendit à Khotan, y séjourna vingt jours et revint sans accident. Un peu plus tard, un autre chef du Turkestan chinois se mit en tête d’entrer en relations régulières avec le gouvernement anglo-indien. Il dépêcha une ambassade au vice-roi, qui répondit par l’envoi d’une mission moitié diplomatique, moitié scientifique, mais au fond en accueillant les avances de ce souve-