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Amour, qui est maintenant placé sous une des arcades de la salle du Tibre, Amour qui reproduit, selon toute apparence, un chef-d’œuvre de Praxitèle ou de Lysippe, ce qu’il faut considérer à part du reste, c’est au contraire le torse, d’une souplesse et d’une grâce enfantines qui en font un morceau de premier ordre.

Il est difficile de défaire aujourd’hui sur les originaux ce qu’ont fait les restaurateurs. Les monumens que les musées renferment sont connus dans l’état où les restaurations les ont mis; ils ont été décrits et gravés dans des livres où les savans et les artistes sont accoutumés à les trouver. On ne peut guère songer à opérer un changement qui en réduirait le plus grand nombre à de simples fragmens où on ne les reconnaîtrait plus; mais que, dans tous ces monumens, formés de pièces de rapport, on moule ce qui s’y trouve d’antique et de digne d’être mis en lumière, en laissant de côté tout ce qui y a été ajouté, on formera une collection qui présentera dans leur vérité et leur pureté tous les plus beaux restes de l’art antique que le temps ne nous a pas enlevés. Dans une telle collection, les savans trouveraient enfin, au lieu du mélange de vérités et de faussetés que leur ont offert jusqu’à présent tous les musées, des documens authentiques propres à servir de base à une reconstruction solide de l’histoire de l’art dans l’antiquité. Supposons qu’on voie réunis les plâtres de ces stèles grecques dispersées dans différens musées à Athènes, à Venise, à Paris, à Oxford, etc., sur lesquelles on lit des décrets de date certaine, et qui sont surmontées de bas-reliefs; ces bas-reliefs, rangés dans l’ordre des temps qu’indiquent les inscriptions, fourniront un véritable canon chronologique de l’art grec, d’après lequel ou pourra classer avec quelque sûreté les monumens sans date. On considère en ce moment même avec intérêt, dans une des salles du Louvre, des plâtres reproduisant diverses statues qui, débarrassées des restaurations qu’on y avait ajoutées, offrent des variantes de deux des plus beaux ouvrages que nous possédions, la Vénus de Milo et le Mars Borghèse, reproduction du Mars avec lequel elle dut jadis être groupée. Dans ces variantes, on voit un même type, à des époques différentes, sans perdre l’essentiel de son caractère primitif, se modifier selon les changemens que subissaient et les idées religieuses et l’art même. Supposons aussi que les autres monumens de premier ordre qui nous restent de l’art antique soient l’objet, dans un musée de plâtres, de semblables études comparatives : quelles lumières n’en tirera-t-on pas pour l’histoire des grands types de la religion et de l’art antique, pour la détermination des époques et des régions où ils furent créés et des transformations qu’ils subirent! Que dire de l’iconographie, mêlée encore aujourd’hui de tant d’obscurités que la comparaison immédiate des monumens authentiques pourra seule dissiper? Quant aux artistes, mis en présence pour la première fois de toutes les œuvres les