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copte et se mit au courant de tous les travaux publiés jusqu’alors; mais le principal du collège jugea bientôt que les aspirations scientifiques de son jeune régent devenaient incompatibles avec les exigences étroites des modestes fonctions qui lui étaient confiées, et en 1848 M. Mariette perdit sa place au moment même où ses besoins matériels s’étaient singulièrement accrus, car il s’était marié à l’âge de vingt-trois ans et était déjà père de deux enfans. Force lui fut de venir à Paris chercher d’autres moyens d’existence.

Heureusement un de ses compatriotes, M. Jeanron, était alors directeur du musée du Louvre. Le jeune savant lui fut présenté. Il n’avait alors publié qu’un opuscule, peu connu aujourd’hui, c’était une Lettre sur la vraie position du Portus Itius de César, que M. Mariette, non sans de bonnes raisons, proposait de placer à Boulogne ou aux environs. Ceux qui s’occupent de ces questions de topographie comparée de notre pays feront bien de lire cet essai d’un débutant, qui révèle déjà les qualités de pénétration et de critique dont il a donné depuis de si éclatans témoignages. Il régnait en 1848 un certain désordre dans l’administration de nos musées et les greniers du Louvre renfermaient alors, notamment sur l’ancienne Égypte, une foule de précieux documens, qui gisaient pêle-mêle avec des journaux et des papiers d’emballage; M. Jeanron pensa qu’ils méritaient d’être examinés de près, triés et classés. Parmi ces documens figuraient surtout des papyrus en langue copte. Le directeur du musée ne disposait que de ressources restreintes; il réussit toutefois à procurer de cette manière à son protégé une besogne quotidienne. M. Mariette vécut ainsi en travaillant, pendant deux années entières, avec des appointemens prélevés sur le budget des musées, chapitre des frais de collage et de réparation dans les magasins du Louvre. En 1850, le protecteur et le protégé perdirent leur place du même coup. Jeanron remonta résolument dans son atelier de la rue Bonaparte, et M. Mariette, réduit à une sorte de dénûment, vint lui demander conseil et appui. Adressé par lui à son ami M. Génin, alors secrétaire-général au ministère de l’instruction publique, il ne put obtenir la place qu’il sollicitait, mais il reçut mieux que cela : une mission en Égypte. Le jeune savant n’avait encore publié, en fait d’études sur les antiquités pharaoniques, qu’une douzaine de pages sur quelques fragmens du papyrus de Turin; mais on savait ce qu’il pouvait faire, et au mois d’août 1850 MM. de Parieu et Baroche, ministres de l’instruction publique et de l’intérieur, demandèrent à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de déterminer l’objet de cette mission. La savante compagnie proposa de charger M. Mariette de la recherche et de l’acquisition de nouveaux manuscrits égyptiens qui se trouvaient, disait-on, dans les couvens coptes de la vallée du Nil. M. Mariette partit plein de joie pour Marseille,