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où il s’embarqua, comme autrefois Champollion, portant dans son cœur tout un monde d’espérances.

Il arriva le 12 octobre à Alexandrie. Un hasard des plus heureux conduisit ses pas vers les jardins artificiels du consul-général de Belgique, le comte Zizinia. Son attention y fut éveillée tout d’abord par la vue des sphinx en pierre calcaire qui décoraient cette somptueuse villa. Arrivé au Caire, il se mit en devoir de solliciter des autorités religieuses l’accès des couvens coptes; mais les formalités, toujours longues en tout pays dès qu’on s’adresse aux administrations cléricales, sont interminables en Orient. Il eut donc le temps de visiter plusieurs personnages du pays connus par leur sympathie pour la France, quelques-uns se souvenant même qu’ils étaient Français, comme Linant-Bey, Varin-Bey et Clot-Bey. Il retrouva chez eux d’autres sphinx absolument pareils à ceux du comte Zizinia, et il put remarquer sur tous des graffitti, gravés anciennement à la pointe du couteau, et associant toujours les noms d’Osiris, d’Apis et de Sérapis. S’étant informé de la provenance, certainement unique, de ces monumens semblables entre eux, on l’adressa à un marchand juif du Caire, qui en faisait pour son négoce l’extraction au-delà du petit village de Saqqarah, sur la rive gauche du Nil, dans un des quartiers de cette immense nécropole de Memphis qui forme la limite du désert au sud des grandes pyramides. Le jeune voyageur, prévoyant que la lenteur des archimandrites lui laisserait encore des loisirs, partit pour le désert, résolu d’y passer quelques jours. Il y resta trois ans.

La nécropole de Memphis a environ douze lieues d’étendue du nord au sud. Elle est tout entière dans le désert, dont la lisière est formée, à l’ouest du Nil, par les collines libyques au pied desquelles serpente la vallée verdoyante avec ses riches cultures. Entre le fleuve et le Babr-el-Yousouf, canal qui lui est parallèle, sont les deux petits villages de Myt-Rahineh et de Saqqarah et la célèbre forêt de palmiers qui ombrage les ruines ou plutôt l’emplacement de Memphis. Dès qu’on a traversé le canal et gravi la colline libyque, on est dans le désert. Une seule chose frappe d’abord les regards sur ce plateau de sables où s’étend le cimetière cinquante fois séculaire de la capitale des Pharaons, ce sont les divers groupes de pyramides. Au nord, celles de Giseh, ou grandes pyramides, marquent de ce côté le point extrême de la nécropole; puis viennent celles d’Abousir, plus au sud encore est la fameuse pyramide à degrés de Saqqarah, la plus ancienne de toutes et la plus rapprochée de l’ancienne ville, enfin celle de Dashour, limite méridionale du cimetière. Dans cette section de la colline libyque comprise entre Giseh et Abousir, le sable du désert, uniforme et muet