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symbolique du corps du dieu mort et enseveli, l’épi sortait ensuite de terre et symbolisait le dieu ressuscité. La vie sort de la mort et révèle d’une manière figurée et sensible l’éternité de la nature. Ne sont-ce pas là les jardins d’Adonis, n’est-ce pas là la passion, la mort et la résurrection du dieu syro-phénicien? Enfin Osiris, sur les terrasses de Dendérah, n’est-il pas avec Hathor dans le même rapport que Dionysos avec Aphrodite, Atys avec Cybèle, et Adonis avec Astarté? On s’accorde assez communément à reconnaître que le berceau des trois cultes grec, phrygien et syro-phénicien est l’Asie centrale. L’explication du temple de Dendérah déplace ce berceau dans le temps comme dans l’espace, elle le reporte à quelques siècles plus haut et nous le montre dans la vallée du Nil.

La place que prend Hathor dans le panthéon égyptien est donc aujourd’hui parfaitement déterminée, mais il est évident que cette religion ne s’est pas formée tout d’une pièce en un seul jour; elle semble résulter de deux courans distincts. D’un côté est Osiris, dieu national de toute l’Egypte, personnifiant la nature, qui ne vit et ne dure qu’en luttant et en faisant succéder par un effort sans cesse renouvelé le bien au mal, la vie à la mort. De l’autre côté sont les divinités locales, personnifiant une des lois, un des attributs de la nature, si bien que la base de l’édifice religieux des nômes n’est pas la même partout, et que les différences capitales qui les séparent sont telles qu’ici le dogme a pu s’élever jusqu’à la conception d’un dieu unique, du dieu tel que l’a compris Jamblique, s’engendrant et se perpétuant lui-même, tandis que sur un autre, point l’adoration des forces multiples de la nature divinisée paraît régner en souveraine. Ainsi l’Egypte aurait parcouru sa longue carrière, conduite et en quelque sorte régie par une étonnante diversité de cultes. Quant à celui qui était en honneur à Dendérah, c’était une sorte de dogme panthéiste; mais, si ancien que soit ce dogme, quel que soit le lien évident qui le rattache aux doctrines du vieux; culte indigène, il faut reconnaître qu’à la fin de l’ère des Lagides, époque de la construction dernière du temple que M. Mariette a étudié, une part assez large doit être faite aux influences grecques et même aux écoles platoniciennes, qui avaient déjà reçu leur complet épanouissement à Alexandrie. Cette vérité est surtout frappante, si nous comparons le temple pharaonique d’Osiris à Abydos avec le temple d’Hathor à Dendérah. Ce dernier est soumis à un plan beaucoup plus méthodique. Les anciennes idées y sont rajeunies par la discipline d’une philosophie plus précise. Cette identification des notions abstraites, symbolisées ici, du beau, du bien et du vrai, devenant en quelque sorte l’enseigne du temple et l’esprit du culte, tout cela semble accuser sinon un emprunt, du moins un reflet. Il n’en est pas moins incontestable qu’Hathor était antérieu-