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entrée dans une période laborieuse et difficile où tout a semblé se réunir contre elle. Des fléaux sont venus décimer sa population, les récoltes lui ont manqué, la crise financière de Vienne a fortement réagi à Pesth. Entraînée tout d’abord à des dépenses publiques excessives, à des entreprises industrielles démesurées, elle n’a pas tardé à subir les mécomptes qui suivent ces mouvemens mai réglés. On a fini par arriver à une condition économique des plus pénibles. Le pays souffre, les impôts ne rentrent pas, et l’état plie sous le poids d’un déficit qu’on ne sait comment combler. C’est là même le prétexte de la crise ministérielle qui s’est récemment déclarée ; mais ce n’est que le prétexte ou du moins la cause apparente. La vraie raison est une sorte de décomposition des partis qui n’a fait que s’aggraver dans le parlement depuis deux ans, surtout depuis que la maladie a fait disparaître de la chambre et de la scène politique l’éminent patriote M, Deâk, dont l’autorité a manqué tout à coup pour maintenir une majorité compacte.

Déjà, il y a un an, un des premiers symptômes de cette décomposition était la chute du comte Lonyay, qui avait succédé comme président du conseil au comte Andrassy et qui était lui-même remplacé par M. Szlavy. Depuis ce moment, soit qu’il n’ait pas eu l’ascendant nécessaire, soit qu’il ait été aux prises avec des difficultés politiques et financières insurmontables, M. Szlavy n’a pu gouverner que péniblement avec une majorité douteuse, travaillée par les rivalités personnelles et par l’esprit de coterie, toujours prête à lui échapper, et récemment il finissait même par ne plus trouver un ministre des finances pour remplacer celui qui venait de tomber victime du déficit. L’opposition elle-même du reste s’est décomposée comme la majorité. La division s’est mise au camp de la gauche modérée. L’un des deux principaux chefs, M. Ghyczy, est resté avec une fraction, l’autre, M. Koloman Tysza, s’est rapproché à demi de l’ancien parti Deâk, sans se confondre encore avec lui. Le résultat, c’est que, si le ministère Szlavy a de la peine à vivre, il est vraiment assez difficile de le remplacer. Un ministère formé, présidé par M. Ghyczy ou par M. Tysza ne répondrait pas à la situation parlementaire et serait sans doute peu en mesure de faire face aux difficultés qui pèsent sur le pays, surtout aux difficultés financières, qu’une commission choisie dans tous les partis est chargée en ce moment d’étudier à fond pour trouver un remède au déficit.

Comment sortir de là ? On a songé à diverses combinaisons. La première consisterait à former un ministère de coalition dont M. Szlavy resterait le président et où entreraient M. Ghyczy, M. Tisza. De cette façon on espérerait rallier une majorité composée des amis du ministère et des libéraux modérés ; mais ce ministère de circonstance, d’expédient, serait vivement combattu par toute une flraction du parti Deak, par l’ancien président du conseil, M. de Lonyay, qui deviendrait un chef d’opposition redoutable, qui compte ios adhérens nombreux groupés autour