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honorable, l’archiduc se rend, à la condition qu’on le laissera décamper avec ses troupes. Il part, s’en retourne lentement par l’Alsace et la vallée du Danube, et, pillant partout sur son chemin, ne s’arrête que devant Prague. L’audace de Barneveld et de Maurice avait étonné l’Europe. L’archiduc de Bruxelles n’avait pas osé empêcher le passage des convois de Maurice. Le maréchal de La Châtre était arrivé, avec le contingent français de 8,000 hommes promis par les derniers traités, au milieu du siège; Maurice le garda auprès de lui pour être témoin de son triomphe. Il l’avait vu arriver presqu’à regret, et il eut sans doute préféré faire tout seul la loi à l’empereur d’Allemagne. La France offrit un instant de se substituer à l’empereur et de tenir les duchés sous son propre séquestre. Barneveld n’eut pas l’air de comprendre cette ouverture; Maurice laissa une garnison à Juliers, et s’en retourna tranquillement à La Haye.


III.

Les années qui suivent sont presque entièrement remplies en Hollande par les disputes religieuses. On comprendrait mal ces luttes, si l’on n’apercevait pas les dangers politiques qui leur donnaient pour ainsi dire l’aiguillon. Malgré le triomphe presque insolent de Maurice, jamais la Hollande n’avait eu plus de sujets d’inquiétude et de défiance. En France, elle avait presque tout perdu en perdant Henri IV; toutefois, avec une sagesse extrême, Barneveld restait fidèle à la cause de la couronne, sachant bien que la monarchie française renouerait tôt ou tard les fils coupés par Ravaillac ; il tenait pour la reine en dépit de tout, tandis que Maurice de Nassau, allié de Bouillon, favorisait ouvertement les princes rebelles, et qu’Aerssens, l’ambassadeur de Hollande, était si mêlé à leurs intrigues que le gouvernement français finit par demander son rappel. Aerssens, longtemps honoré de l’amitié d’Henri IV, n’avait pas su rester un froid témoin des désordres de la cour nouvelle. On avait surpris les dépêches où il annonçait à son gouvernement que la condition mise par l’Espagne à la promesse d’une infante pour le jeune roi était l’abandon formel de l’alliance hollandaise. Il ne pouvait rester à Paris; revenu à La Haye, il comprit bien vite que la Hollande ne garderait pas longtemps deux têtes : entre Barneveld, qui préférait l’alliance française, et Maurice, enclin à l’alliance anglaise, il n’hésita pas. Il devint l’ennemi le plus dangereux de l’avocat de Hollande. Barneveld savait mieux que personne combien l’alliance de Jacques était peu sincère. Le roi d’Angleterre voulait une infante pour son fils, et, pour être plus secret, son désir était mille fois plus âpre et plus importun que celui de Marie de Médicis. Aussi