Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/590

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hoorn par exemple, les magistrats osèrent demander pourquoi ils étaient déposés. « Le repos du pays l’exige, répondit froidement Maurice. Il faut que nous ayons des résolutions unanimes dans les états-généraux à La Haye. Cela ne peut se faire qu’avec ces changemens préliminaires. Je crois que vos intentions sont bonnes, et que vous avez été de fidèles serviteurs du pays, mais cette fois il faut qu’il en soit ainsi. »

À la décharge de Maurice, il faut dire que ces conseils étaient pour la plupart de petites corporations ; ils ne représentaient que des intérêts étroits, des monopoles, des familles, des privilèges surannés. Ils ressemblaient de tout point aux corporations anglaises que la chambre des communes fut si lente à réformer. Partout le peuple saluait Maurice de ses acclamations ; la populace fanatique s’amusait de la déconfiture des arminiens.

Amsterdam était le quartier-général des sectaires, des ennemis d’Arminius et de Barneveld. La majorité du conseil de la ville était dévouée aux intérêts de Maurice, mais la minorité était très remuante, et le stathouder jugea nécessaire de dissoudre tout le conseil. Quand il annonça sa décision, un vieillard de soixante-douze ans, le père de l’historien Pierre Corneliszoon Hooft, prit la parole. « Personne ici, demanda le vieux conseiller, n’a-t-il rien à dire en défense des lois et de nos privilèges ? — Non, » lui fut-il répondu. Il se leva alors, parla avec une grande éloquence, dénonça la dissolution du conseil comme une mesure illégale et inutile, rappela que le conseil avait toujours été dévoué aux intérêts de la maison de Nassau, et que l’opposition de la minorité n’avait jamais été factieuse. Maurice écouta avec une méprisante bonté cette harangue. « Grand-père, répondit-il, il faut qu’il en soit fait ainsi cette fois, la nécessité et le service du pays l’exigent. »

Ce fut tout : l’unité était faite, des municipalités dévouées à Maurice étaient partout nommées, le synode national fut convoqué. Le stathouder avait subordonné les villes et les provinces aux états-généraux ; il avait donné au stathoudérat toute la force de la monarchie. L’histoire ne saurait l’en blâmer ; notre siècle a vu quels dangers courent les confédérations quand les confédérés prétendent conserver tous les attributs de la souveraineté. Des flots de sang ont été versés aux États-Unis, pendant la guerre de sécession, pour assurer le triomphe de l’Union. La Suisse a lutté les armes à la main contre la ligue du Sonderbund. Maurice ne violait, n’invoquait aucune constitution : il était lui-même toute la constitution. Il avait mission de défendre la Hollande, et il ne pouvait la défendre, si elle était divisée contre elle-même. Il voulait établir l’unité politique, empêcher les grandes villes de s’armer contre les états ; l’indépendance