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à fait conforme au type que peut se former une imagination pieuse et un peu populaire, qui ne cherche pas à mettre trop de philosophie dans sa croyance. Dans une autre, c’est une Vierge de M. Fabisch, le délicat artiste qui a tant fait pour la décoration de Lyon, où nous le rencontrerons si souvent, œuvre minutieusement étudiée, pleine de distinction comme toutes celles de ce sculpteur, et qui semble comme un reflet de quelqu’une des belles figures de Vierges de la renaissance italienne. Plusieurs des autels de ces églises sont très richement sculptés et ornés de bas-reliefs à la manière lyonnaise, car pour cette décoration intérieure des édifices sacrés Saint-Étienne a suivi l’inspiration et le goût du Lyonnais, dont il est d’ailleurs si proche. Un de ces autels, dédié à saint Charles Borromée, présente en bas-reliefs quelques-uns des épisodes de la vie du saint, entre autres la communion des pestiférés de Milan, composition dont nous admirerions la pathétique ordonnance, si nous ne nous apercevions qu’elle n’est qu’une traduction par la sculpture d’un superbe tableau de Gaspard de Grayer que possède le musée de Nancy. Toutes les œuvres de ces églises sont exclusivement modernes ; quant aux œuvres anciennes, Saint-Étienne n’en possède pas à proprement parler ; mais, à défaut d’œuvres, elle a su réunir dans son musée une très riche collection de précieux débris du passé qui mérite plus d’une visite.

Ce musée est double en quelque sorte, ou du moins se compose de deux sections bien tranchées. L’une, particulièrement intéressante dans cette cité traditionnelle des armuriers, est une belle collection d’armes de toutes époques et de tous pays, dont le noyau principal, cadeau du maréchal Oudinot, est formé de pièces rassemblées par la curiosité militaire de cet illustre homme de guerre. Comme la plupart de ces pièces sont des armes de luxe et de grands seigneurs, et par conséquent travaillées avec un soin excessif, on peut y prendre une notion très complète des arts particuliers de l’armurerie aux trois derniers siècles : ciselures des poignées, sculptures des crosses, incrustations d’ivoire, damasquinage des lames ; mais ce qui est plus curieux encore, c’est de voir à quel point les génies des différens peuples sont restés fidèles à eux-mêmes dans ces arts de détail. Entre une arme allemande, une arme italienne et une arme française, il n’y a d’autre ressemblance que leur destination commune, qui, pour toutes les trois, est de donner la mort avec le plus de certitude possible. Les armes allemandes, de forme généralement forte et lourde, sont ornées d’incrustations et de figurines raides et naïvement gauches, d’un goût gothique, où l’on reconnaît les compatriotes d’Albert Dürer. Les armes italiennes, simples de forme ou compliquées par un seul détail sur lequel la