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qu’à tort ou à raison c’est la même que laissent les belles églises de style plantagenet, c’est-à-dire une impression d’ampleur lumineuse, d’aisance noble et de majesté princière. Dans un voyage au Forez où nombre de détails propres à cette province ont été bien saisis et bien rendus, publié par un jeune écrivain connu dans la presse parisienne[1], je rencontre une impression tout opposée. « Du pavé à la voûte, c’est comme un élan irrésistible, une sorte de furia lyrique. » J’en demande bien pardon au jeune écrivain, mais il me semble qu’il s’est trompé sur la nature de cette hardiesse qu’il dénonce très justement. L’effet très grand que cette église produit sur le spectateur est le résultat de deux causes, l’espèce de liberté que les nefs doivent au vaste espace qu’elles enserrent, et l’absence de transept qui leur permet de se prolonger sans interruption jusqu’à l’extrémité de l’édifice comme des avenues royales. Si ce n’est pas la plus sublime, c’est la moins étouffée des églises, caractère que n’atteignent pas toujours les édifices même de dimensions pareilles ; de l’air, de la lumière, de l’espace à flots. La hauteur, il est vrai, est en proportion de cette largeur, mais cette hauteur reste plus purement matérielle, et ce n’est pas en elle qu’il faut chercher le secret de l’effet moral produit. Ces colonnes montent vers la voûte avec vaillance plutôt qu’avec amour, et cette vaillance est confiante, assurée en elle-même, sans impétuosité téméraire ni élancement. Pour me résumer en un seul mot, cette église ne vole pas, elle se dilate ; il semble voir un immense cétacé de formes pures et de proportions harmonieuses dans leur énormité qui, gonflant ses flancs et soulevant sa poitrine, respire avec une régularité aussi puissante que bien rhythmée. Quant à l’extérieur de l’église, sans être à dédaigner, il est loin d’être en rapport avec l’admirable beauté de cet intérieur ; le portail a été construit au milieu du XVe siècle seulement par le duc Charles Ier de Bourbon ; il est généralement loué pour la finesse et la sobriété de son architecture, c’est la partie de l’édifice qui nous en plaît cependant le moins ; il est simple sans être grand et sobre sans être sévère, ne charme pas l’œil et laisse l’imagination dans le plus tranquille repos.

Par derrière la collégiale s’élève un ravissant petit édifice qui communiquait autrefois avec elle par un cloître aujourd’hui détruit, c’est l’ancienne salle capitulaire, ou salle du décanat, devenue la Diana par une de ces altérations populaires qui donnent si souvent aux choses un nom poétique, en transformant celui que leur avait donné leur destination. Cette salle capitulaire a vu d’autres

  1. Voyage au pays de l’Astrée, par Mario Proth, livre d’une lecture agréable et qui le serait bien davantage encore, si l’auteur n’en avait pas employé les deux tiers en polémiques acharnées contre les jésuites et les universitaires, qui probablement ne lui ont rien fait.