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suédoise en échec. Dès l’année 1564, il avait fait passer la victoire de son côté. Plein de vigueur et de courage, le peuple norvégien montrait une merveilleuse aptitude pour les choses de la mer. Le sang des anciens pirates Scandinaves ne s’était pas démenti, et les Hollandais eux-mêmes s’estimaient heureux quand ils avaient pu attirer sur leurs flottes ces marins énergiques, qui n’avaient pas alors leurs pareils en Europe. La Flandre avait été, pendant plus d’un demi-siècle, la grande école de guerre des soldats. La Baltique devint, grâce aux rivalités des deux états qui s’y disputaient la suprématie, une école non m’oins instructive pour les marins de toutes les nations. Elle partagea cet honneur avec la Méditerranée, où l’on trouvait toujours à faire la chasse aux Barbaresques.

Ce n’était cependant ni dans la Méditerranée, ni dans la Baltique que devaient avoir lieu les grandes luttes du XVIIe siècle. L’Angleterre et les Pays-Bas remplirent, pendant près de vingt ans, la Manche de leurs vaisseaux, et la marine moderne naquit de l’acharnement de leur querelle. L’industrieuse et vaillante population des provinces néerlandaises n’entendait pas se contenter de l’étroit territoire qu’elle avait deux fois conquis, — sur l’océan d’abord, sur les armées de Philippe II et de Philippe III ensuite. Son indépendance n’était pas encore reconnue par l’Europe qu’elle faisait déjà flotter sa bannière sur toutes les mers du globe. Les Espagnols et les Portugais virent avec étonnement le nouveau pavillon apparaître dans les Indes. Comment ces pêcheurs de harengs, ces gueux de mer à peine émancipés avaient-ils pu arriver jusqu’aux parages presque fabuleux d’où venaient les épices ? Toutes les routes qui y conduisaient ne leur étaient-elles pas interdites ? Toutes les stations de repos et de ravitaillement n’étaient-elles pas occupées par leurs ennemis ? Pour pénétrer dans les mers orientales, les Hollandais s’étaient d’abord portés jusqu’aux solitudes inexplorées du pôle. Repoussés par les glaces, ils reprirent à regret les voies qu’avaient suivies Vasco de Gama et Magellan. Quand, après avoir échappé à la tempête, aux pièges des princes malais, aux violences et aux trahisons de leurs rivaux, ces honnêtes marchands d’Amsterdam et de Flessingue avaient enfin réussi à remplir la cale de leurs vaisseaux de poivre et de girofle, c’était encore à coups de canon qu’ils devaient se frayer un passage jusqu’aux embouchures de la Meuse. On ne cède pas aisément des richesses si péniblement acquises. Combattant avec leurs épices sous les pieds, les Hollandais se montrèrent en toute occasion héroïques, la plupart du temps invincibles. Aussi entreprenans qu’économes, ils exploitaient par la pêche les mers du nord, par le trafic les mers de l’Europe et les mers de l’Orient. La compagnie des Indes tripla en moins de sept années son capital ; le port d’Amsterdam devint l’entrepôt du monde.