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ques-uns ; c’en est une autre ouverte à tous, généreuse, impartiale, protectrice de tous les droits et de tous les intérêts, c’est-à-dire, je l’avoue et j’aime à le reconnaître, un genre de gouvernement qui sera pour la France absolument nouveau : point de copie du passé; jeunesse, vie nouvelle, intelligence, travail, moralité, voilà le besoin du présent, la garantie de l’avenir, la condition du salut. »

Trois ans se sont écoulés depuis que M. Vitet tenait ce langage; avons-nous marché vers le but qu’il nous indiquait? sommes-nous plus près d’une solution définitive que nous ne l’étions en 1871? plus près de considérer la république comme cette solution sérieusement et sincèrement adoptée par la France? Je ne le pense pas. Nous avons tenté la solution monarchique par la réconciliation et l’union des deux branches de la famille royale. Cette combinaison a échoué. M. le comte de Chambord n’a pas voulu en accepter les conditions nationales. Nous sommes rentrés dans la combinaison républicaine, mais en lui maintenant son caractère provisoire; c’est pour sept ans seulement que la majorité de l’assemblée nationale a remis à la loyauté de M. le maréchal de Mac-Mahon le soin de maintenir l’ordre en France sans y proclamer définitivement la république. Quand le maréchal aura accompli son septennat, nous nous retrouverons en face de la même question, monarchique ou républicaine, ou mêlée peut-être de ces deux caractères comme au XVIIe siècle chez les Hollandais, quand ils ont fait du stathoudérat une institution permanente de la république des Provinces-Unies. Je n’ai garde de prédire laquelle de ces combinaisons prévaudra; tout ce qu’on peut affirmer aujourd’hui, c’est que nous ne sommes pas sortis de l’état provisoire; seulement nous avons pris le temps de la réflexion pour en sortir, et un peu plus d’expérience des diverses combinaisons par lesquelles nous pourrions en sortir. Notre habileté n’a pas fait plus de progrès, et ma prévoyance ne va pas plus loin.

Pendant ces trois années d’efforts infructueux pour arriver à un régime définitif accepté par l’assemblée nationale et acceptable sans violence ni mensonge par la France, M. Vitet se prêta, avec une grande largeur d’esprit et une complète absence de tout système préconçu et absolu, aux diverses tentatives dirigées vers ce but. Il avait accepté pendant le siège la tentative républicaine; il appuya ensuite de son adhésion la tentative monarchique. Forcé de reconnaître que, par l’aveuglement ou l’entêtement des partis et des personnes, le jour n’était pas venu, ni pour l’une ni pour l’autre de ces combinaisons, il réussit, non sans peine, à faire adopter par l’assemblée l’expédient provisoire du septennat confié au maréchal de Mac-Mahon, et il travaillait, non sans peine encore, à faire respecter