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Argovie et Thurgovie entrèrent tout de suite dans cette confédération ecclésiastique, à laquelle adhéra le Jura bernois, détaché en 1815 de l’ancien évêché de Bâle. Ce diocèse, quelque peu dispersé, prit de nouveau le nom de Bâle. Les chanoines étaient chargés de désigner l’évêque à l’investiture du saint-père. Un bref du 26 mars 1828 régla cet état de choses. Il n’avait rien de définitif, car le pouvoir civil, imitant les erremens du premier consul au lendemain du concordat, greffa sur le traité conclu avec Rome des clauses qui rappelaient nos lois de germinal an X. Les délégués des cantons qui venaient de former le nouveau diocèse décidèrent que l’évêque devait être agréé par les gouvernemens représentés par une délégation ou conférence à laquelle appartiendrait également le droit de placet, c’est-à-dire l’approbation des actes émanés de la cour de Rome. Il est certain que le pouvoir civil ne saurait se désintéresser de la nomination d’ecclésiastiques qui dépendent de lui. Le seul reproche qu’on pouvait faire aux gouvernemens cantonaux comme au législateur de germinal, c’était de n’avoir pas prévenu le saint-siège de leur intention et d’avoir pris sur eux de remanier après coup un traité conclu. Néanmoins la paix religieuse ne fut pas troublée pendant de longues années; il fallut le concile de 1870 pour déchaîner une lutte ardente dont on ne peut entrevoir le terme.

Le consistoire de l’église catholique de Thurgovie déclara, au mois de décembre de cette même année, qu’il comptait désormais représenter seul les catholiques dans la conférence diocésaine. Cette prétention pouvait être fondée au nom du droit absolu, mais elle était injustifiable au point de vue de l’organisation existante; aussi fut-elle repoussée par le conseil d’état, qui se vit obligé de casser, le 22 septembre 1871, une décision du synode catholique conforme à la réclamation du consistoire. Le conseil d’état du canton d’Argovie ne fit pas droit aux réclamations des catholiques, qui se plaignaient que le grand-conseil eût proclamé, le 27 septembre 1871, le principe de la séparation de l’église et de l’état, et introduit la sécularisation des écoles. Ce corps politique avait simplement usé de son droit de souveraineté. La conséquence logique de cette grande réforme était que le canton cessait d’être représenté dans la conférence diocésaine. Les catholiques d’Argovie n’étaient pas fondés à se plaindre de cette résolution, qui en définitive les préservait d’un conflit dangereux. L’autorité fédérale a écarté les appels qui lui avaient été adressés par les catholiques de ces deux cantons.

Si jusqu’ici dans les débuts de cette nouvelle lutte religieuse les torts ont été du côté des autorités ecclésiastiques, nous allons voir le pouvoir civil déployer un arbitraire injustifiable dans la destitution de l’évêque de Bâle. Celui-ci avait proclamé le dogme