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en plein air; l’évêque Lachat assistait à la cérémonie avec Mgr Marilley de Fribourg. Un prêtre genevois prononça des paroles ardentes; il invoqua le souvenir des persécutions des empereurs romains et termina son discours par des allusions à peine voilées au triomphe probable du catholicisme orthodoxe par la prochaine restauration monarchique en France. Il faut avoir vu cette multitude immense frémir d’indignation et d’enthousiasme en entendant ces harangues frénétiques, puis se courber tout entière avec ferveur sous la bénédiction des évêques persécutés, il faut avoir entendu ces cantiques ressemblant à des chants de guerre et invoquant le sacré cœur comme une divinité vengeresse, pour comprendre combien il est dangereux d’irriter le sentiment religieux là où la sincérité l’emporte de beaucoup sur les lumières. Cette exaltation explique sans la justifier l’énergie des gouvernemens démocratiques qui se sentent poussés par d’autres colères répondant à leur propre sentiment.

Les importans débats sur la révision de la constitution fédérale ont été ouverts au mois de novembre 1873; nous n’en relèverons que ce qui se rapporte aux questions confessionnelles[1]. On se rappelle qu’après le rejet du premier projet de révision au mois de mai 1872 à une très faible majorité, l’élaboration d’un nouveau projet fut confiée au conseil fédéral, puis soumise à une commission. Le caractère général de la révision telle qu’elle est sortie de cette double délibération et des débats des chambres fédérales est une centralisation modérée qui fait droit aux réclamations des cantons dans ce qu’elles avaient de fondé, spécialement sur la question de l’organisation militaire. Le pouvoir central conserve tout ce qui est indispensable à la direction de la défense nationale, l’instruction de l’armée fédérale tout entière dans ses armes diverses lui est réservée. Sauf sur ce point de l’instruction, l’exécution de la loi militaire est confiée aux autorités cantonales sous la surveillance de la confédération. Les articles sur le droit civil et les finances sont empreints du même esprit de modération; aussi a-t-on lieu de croire que la nouvelle loi fédérale ne rencontrera pas la même opposition que celle de 1872. La question confessionnelle était traitée dans les articles 48 et 49 du projet élaboré par le conseil d’état et remanié par la commission législative; ils comprennent dans la rédaction définitive proposée au vote la partie qui s’étend de l’article 49 à l’article 55, et ils y ont subi des modifications fort graves dont il faut chercher la portée dans les débats publics. La constitution de 1848 n’avait consacré qu’un seul article à la liberté religieuse; il était ainsi conçu :

  1. Message du conseil fédéral à la haute assemblée fédérale concernant la révision de la constitution fédérale (4 juillet 1873). — Loi fédérale concernant la révision de la constitution fédérale (31 janvier 1874).