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écoles comme dangereuses et funestes. En 1744, on constata que pas un élève de la classe bourgeoise ne les fréquentait, et elles furent même complètement désertées quand on eut fondé des établissemens spéciaux d’instruction pour le clergé et la noblesse.

Sous l’empire des idées du XVIIIe siècle, Catherine II ordonna en 1775 de fonder des écoles dans les villes et dans les villages. Elle voulait que la rétribution scolaire fût minime, afin de ne pas éloigner les enfans des paysans; malheureusement l’ukase resta lettre morte : tout manquait, maîtres, locaux, livres, argent. Depuis cette époque, les efforts se succédèrent, mais toujours avec aussi peu de résultats. Il aurait fallu des subsides considérables afin de tout reprendre par le commencement, et on se contentait de faire des lois. En 1782, une commission, présidée par M. Zavadovsky, proposa la création de deux espèces d’écoles, les unes avec un terme de quatre années pour la classe aisée, les autres de deux années pour le peuple. En 1786, on exige, au moins pour les villes, des preuves de capacité de la part de ceux qui veulent ouvrir une école. En 1803, les écoles supérieures sont transformées en gymnases organisés sur le modèle de ceux de l’Allemagne. Dans les écoles populaires de Catherine, on avait adopté comme base de l’instruction le Livre des devoirs de l’homme et du citoyen ; on le remplaça par un livre de lecture contenant des notions d’agriculture, d’hygiène et de physique usuelle. L’époque utilitaire succédait à l’âge « philosophique. » En 1804, nouvel effort pour créer des écoles sur les terres de l’état et sur celles de la noblesse; mais, faute d’argent, rien de sérieux ne se fait. Enfin le clergé à son tour se pique d’honneur : il veut montrer ce que peuvent le dévoûment et le zèle des ministres de la religion. En 1806 en effet, on constate qu’il existe, rien que dans le gouvernement de Novgorod, 106 écoles tenues par des desservans; malheureusement, ajoute le rapport du prince Gagarin, deux ans après toutes avaient disparu.

Enfin on comprit que dans un pays de servage, où l’initiative individuelle est nécessairement très faible et concentrée dans le cercle des intérêts privés, l’intervention directe et effective du gouvernement est indispensable. En 1828, quelques mesures furent prises dans ce sens, et en 1835 une loi soumit toutes les écoles existantes à la surveillance des curateurs des arrondissemens scolaires, immenses circonscriptions embrassant plusieurs gouvernemens. Plusieurs écoles de district furent fondées par l’état pour servir de modèle, mais les écoles de paroisse se multiplièrent très lentement.

Après l’abolition du servage, l’empereur Alexandre II reconnut que le complément indispensable de cette grande réforme était une